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Les meilleurs contes fantastiques québécois du XIXe siècle, par Aurélien Boivin

juin 11, 2011

Parution : 2001
Éditions Fides
Anthologie
358 pages

J’ai lu ça pour un travail de bacc. Je connaissais pas tant les contes fantastiques du XIXe, à part genre Rose Latulippe, La bête à grand-queue pis La chasse-galerie. J’étais curieux, parce que le XIXe, c’est riche en crisse pour la littérature fantastique : Mérimée, Maupassant, Poe, Hoffmann pis toute. Malgré tout, j’avais un peu peur, parce que notre XIXe siècle, c’est La terre paternelle, Jean Rivard le défricheur pis le gros terroir sale.

« Loups-garous, feux follets, diablotins et fantômes ont longtemps nourri l’imaginaire québécois. Cet univers a été habité par une multitude d’autres êtres surnaturels, tant maléfiques que bénéfiques, parmi lesquels on retrouve des hères, des bêtes à grand-queue, des revenant et des lutins. »

La liste des auteurs : Philippe Aubert de Gaspé fils, Alphonse Poitras, Louis-Auguste Olivier, Guillaume Lévesque, Charles Laberge, Paul Stevens, Philippe Aubert de Gaspé papa, Joseph-Charles Taché, Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice, J.-Ferdinand Morissette, Honoré Beaugrand, Wenceslas-Eugène Dick, Charles-Marie Ducharme, Louis Fréchette, Pamphily Lemay pis Louvigny de Montigny.

Critique

À moins d’être un catholique convaincu ou un étudiant en lettres, je sais pas trop qui pourrait apprécier ces contes-là. Personnellement, j’ai lu le recueil par curiosité : je voulais savoir un peu c’était quoi nos légendes pis notre folklore. Par intérêt documentaire, on va dire. Facque j’ai découvert des affaires le fun, comme qu’un loup-garou c’est, la plupart du temps, un gros chien noir avec des yeux qui flambent. Ça ou ben que tout le monde qui a l’air pas comme les autres, ben c’est probablement des sorciers. Ou ben que si on sacre trop, si on boit trop, si on fourre trop, ben le yable va venir nous pogner. Je niaise, mais j’ai appris plein d’affaires à propos des vieilles superstitions. L’affaire, c’est que presque tous les contes sont crissement moralisateurs. En gros, c’est la même structure que les films de slashers : transgression-punition. Dans L’étranger d’Aubert de Gaspé fils, Rose Latulippe danse le jour du mercredi des cendres avec un inconnu, tout ça devant son chum. Ben l’inconnu, c’est le yable, pis Rose vire folle. Dans Le loup-garou, Joachim se met chaud pis rate la messe de minuit; y devient un loup-garou. Dans Le fantôme de l’avare de Beaugrand, l’avare refuse d’ouvrir la porte à un voyageur un jour de tempête; y est obligé de revenir tous les jours de l’an pour offrir l’hospitalité à quelqu’un avant de pouvoir obtenir le repos éternel. Quand c’est pas des punitions, c’est Anyway, tous les contes sont imbibés de morale catholique beaucoup trop évidente. Ça a beau être l’esprit de l’époque, ça finit par gosser pareil, de voir à quel point le monde était brainwashé dans le temps.
Mais l’affaire la plus cool, c’est la langue orale de certains personnages. On dirait que back in the days, on était moins mal à l’aise avec la langue québécoise. À peu près la moitié des contes utilise le parler populaire, ce qui rend la lecture crissement le fun. Le meilleur de tous, c’est Fréchette, avec son personnage conteur, Jos Violon :

« Le Coq, qu’avait jamais, lui, travelé autrement qu’en berlot ou en petite cabarouette dans les chemins de campagne, avait pas tout à fait la twist dans le poignet pour l’aviron ; mais on voyait qu’y faisait de son mieux pour se dégourdir.
Avec ça qu’y devait avoir de quoi pour se dégourdir le canayen en effette, parce que, de temps en temps, je le voyais qui se passait la main dans sa chemise, et qui se baissait la tête, sous vot’respec’, comme pour sucer quèque chose.
Je croyais d’abord qu’y prenait une chique ; mais y a des limites pour chiquer. On a beau venir de la Beauce, un homme peut toujours pas virer trois ou quatre torquettes en sirop dans son après-midi.
Enfin, je m’aperçus qu’au lieu de prendre une chique, c’était autre chose qu’y prenait.
– L’enfant de potence ! que je dis, il va être mort-ivre avant d’arriver à Batiscan. Mais, bougez pas ! c’est pas pour rien dire de trop, mais j’cré ben que si le vlimeux avait besoin de s’exercer le bras, c’était toujours pas pour apprendre à lever le coude. »

Moi, Jos Violon, je le trouve crissement excellent. Rien que pour l’oralité, ça vaut la peine de lire les contes de Fréchette.
Ce qui est cool aussi avec le recueil, c’est l’intro par Aurélien Boivin. C’est un spécialiste du conte fantastique, facque c’est crissement le fun pour ceux que ça intéresse.

Verdict

Recommandé, pour ceux qui veulent découvrir le folklore québécois. Ou pour ceux qui savent pas encore que Honoré Beaugrand, c’est pas juste une station de métro.

L’influence d’un livre, par Philippe Aubert de Gaspé fils

Mai 18, 2011

Parution : 1837
Roman
135 pages

Officiellement, L’influence d’un livre, c’est le premier roman canadien-français. C’est aussi un roman gothique, selon plusieurs spécialistes.

« Profondément influencé par Le petit Albert, ouvrage d’alchimie qui décide du sort de sa vie, Charles Amand, cultivateur canadien rusé et avide, se fait fort de découvrir la pierre philosophale. De conjurations en sortilèges, d’apparitions diaboliques en meurtres, de naufrage en mariage, L’influence d’un livre foisonne en aventures inattendues. »

Résumé

Ça se passe dans les années 1820. Amand pis Dupont, son acolyte, vont à Port-Joli pour conjurer le yable dans le but de devenir riches. Sauf que Dupont est moins convaincu que son ami; au lieu de voler une poule noire comme Amand y avait dit, y l’a acheté, par peur d’aller en enfer. Facque Amand se résigne à invoquer le yable tout seul, en utilisant une main-de-gloire (la main désèchée d’un pendu) pis une chandelle magique (faite avec de la graisse de pendu pis du cierge pascal) qui s’éteint là où y a un trésor. Pendant ce temps-là, un peu plus loin, un meurtre est commis : Lepage, un homme cruel, tue Guillemette après y avoir offert de passer la nuit chez eux. Le lendemain, St-Céran (qui a croisé Guillemette quelques heures avant sa mort) trouve le corps sur la berge. Y soupçonne tout de suite Lepage pis y se rend chez eux avec une couple de personnes pour l’arrêter. Pendant la nuit de veille chez Lepage, le père Ducros raconte une légende, celle de Rose Latulipe, une jeune femme qui est devenue folle après avoir dansé avec le yable pendant le mercredi des cendres. On apprend ensuite que St-Céran est amoureux de la fille de Amand, Amélie, mais qu’y peut pas la marier avant de posséder une fortune. Facque St-Céran se pousse en ville pour étudier la médecine. Pour niaiser Amand, St-Céran y donne la main du cadavre de Guillemette pis une chandelle ben normale. En revenant chez eux, pis après avoir consulté une voyante, Amand arrive chez son oncle, là où y a plein de monde qui écoutent l’histoire du grand-père : dans son jeune temps, pendant qu’y était de garde sur une petite île déserte, y a vu le yable, pis depuis ce temps-là y a pu jamais sacré ni bu ni joué. Aidé par le marin Capistrau, Amand se rend à la caverne du cap au corbeau, où y aurait un trésor. Sauf qu’y se fait jouer un tour par deux étudiants qui cachent un trésor vide pis qu’y soufflent sa chandelle pas magique. Pendant une tempête sur le fleuve, Amand se fait pogner par un bateau pirate qui l’emmène sur l’île d’Anticosti, où y travaille pendant cinq ans. St-Céran finit par marier Amélie, pendant que Amand continue d’étudier l’alchimie pis le spiritisme.

Critique

Avant tout : on peut dire que c’est un roman gothique, mais c’est un peu tiré par les cheveux. Oui, ça parle de surnaturel, y a du morbide pis beaucoup d’aventures, mais on est loin du Moine de Lewis. Y a un meurtre, pis aucune manifestation vraiment fantastique. Amand se fait tout le temps niaiser par tout le monde, même le narrateur qui le décrit avec ironie, même si le meurtre est cool :

« il ressera involontairement le marteau, écarta la chemise du malheureux étendu devant lui et, d’un seul coup de l’instrument terrible qu’il portait à la main, il coupa l’artère jugulaire de sa victime. Le sang rejaillit sur lui et éteignit la lumière. Alors s’engagea dans les ténèbres une lutte horrible ! lutte de la mort avec la vie. Par un saut involontaire Guillemette se trouva corps à corps avec son assassin qui trembla pour la première fois en sentant l’étreinte désespérée d’un mourant et en entendant, près de son oreille, le dernier râle qui sortait de la bouche de celui qui l’embrassait avec tant de violence, comme un cruel adieu à la vie. »

Les seules traces de fantastique, c’est les deux contes incrustés dans le récit : L’Étranger pis L’homme de Labrador. Au fond, c’est ces deux histoires-là qui sont intéressantes, plus que le récit principal, qui s’étiole dans un trop plein de personnages pis d’aventures pas rapport. Dans les deux contes, c’est le deuxième qui est le plus cool : l’ambiance est vraiment creepy pis l’apparition du yable plus originale que dans la plupart des contes fantastiques de l’époque :

« Ce fut alors que je pus contempler cette figure satanique : un nez qui lui couvrait la lèvre supérieure, quoique son immense bouche s’étendît d’une oreille à l’autre, lesquelles oreilles lui tombaient sur les épaules comme celles d’un lévrirer. Deux rangées de dents noires comme du fer et sortant presque horizontalement de sa bouche se choquaient avec un fracas horrible. »

Ça, c’est pas tout : y a aussi des petits hommes hauts de deux pieds avec des têtes de singes pis des cornes – ce qui fait un peu penser aux marmousets de Malpertuis. J’ai vraiment l’impression que ça ferait un bon court métrage, à condition qu’on l’actualise un peu (le gars puni par le yable pour ses péchés, ça pognerait pas ben ben astheure). Facque, en gros, faut pas lire ça si on s’attend à du gothique anglais du XVIIIe siècle.

Mais le narrateur est excellent. Comme dans les contes, y dit que son histoire est réelle, pas comme les histoires d’amour qui finissent trop bien. Encore comme dans les contes, le narrateur dit qu’y connait les personnages. Par exemple, il écrit : « Cette nuit-là il eu un songe. » Y renvoit à une note de bas de page qui dit : « Il l’a raconté lui-même à l’auteur. » Ça donne un ton le fun au récit.

Analyse

Tout le long, on a l’impression que le narrateur croit pas à ce qu’y raconte. Amand est montré comme un naïf qui croit tout ce qu’on lui dit à propos du surnaturel. Sa main-de-gloide pis sa chandelle sont fausses, y se fait niaiser par deux étudiants pis y croit ce que la voyante y dit :

« – Vous cherchez fortune.
– Oui; mais pouvez-vous me dire par quels moyens je cherche à y parvenir ?
– Tous les moyens vous sont indifférents, dit la vieille, pourvu que vous réussissiez.
– Elle a raison, se dit-il tout bas : Y parviendrai-je ?
– Oui; si vous avez du cœur, de l’énergie et de la force. »

De façon super évidente, le narrateur montre l’imprécision des « pouvoirs » de la voyantes pis la crédulité imbécile de Amand, le rendant ainsi ridicule. Même l’apparence physique de Amant est poche : « tout son physique annonçait un homme affaibli par la misère et les veilles. » Amant se met à soliloquer en disant qu’y est un visionnaire, comme si le narrateur voulait nous faire comprendre que sa vision du réel est distordue. Facque le narrateur se distancie des phénomènes surnaturels. Les seuls moments où le surnaturel est raconté comme vrai (dans les deux contes), le narrateur laisse le récit à un narrateur intradiégétique, comme si y voulait pas, lui-même, évoquer la réalité des esprits ou du yable. Y a un décalage entre le narrateur, qui croit pas au surnaturel, pis ses personnages, qui y croient. On peut conclure que c’est pas un roman gothique, mais un roman qui ridiculise le gothique en montrant l’inexistance du surnaturel, sauf dans l’esprit des gens simples.

Verdict

Recommandé. C’est pas le roman le plus le fun à lire, mais c’est quand même considéré comme le premier roman québécois, ce qui justifie qu’on le lise. Les contes sont intéressants pis le narrateur sympathique. Les personnages font rire par leur ridicule, ce qui rend la lecture agréable. C’est pas du gothique à proprement parler; c’est plus un discours sur le gothique.

L’autre Arielle – L’intégrale

mars 6, 2011

J’ai écrit une nouvelle l’année passée pi je sais toujours pas quoi faire avec, elle est trop longue pour la plupart des revues pi d’un genre qui fitte pas tant avec les politiques éditoriales classiques. Facque j’ai décidé de la publier icitte, en 4 parties, une à chaque dimanche du mois de février. Si j’avais à décrire le ton en quelques mots, je dirais fantastico-trash-gore. Ou dequoi dans le genre.

L’autre Arielle

Je comprends pas. Depuis deux heures, je repasse l’après-midi dans ma tête, pour essayer de comprendre ce que je fais ici. J’ai beau essayer, j’arrive pas à agencer les évènements dans une trame logique. Je veux dire : je me rappelle très bien tout ce qui s’est passé – ça vient d’arriver – mais j’y crois toujours pas.

L’air stagnait lourdement, tellement humide qu’il flottait sur le lac. Aucun nuage, juste le ciel bleu qui rosissait à l’horizon. On voyait déjà la lune, toute pâle, au-dessus des arbres. Notre canot bougeait pas, immobile dans l’eau brune. Seul Johnny Cash donnait un peu de vie au décor silencieux. Sa voix grave imprimait des cercles concentriques sur la surface lisse du lac assoupi. Molle, tranquille fin d’après-midi.

– Hey ça veut dire quoi bâbord?
– …
– …
– C’est pas l’éléphant?
– Han?
– Ben oué, l’éléphant… tsé y’avait un suit vert. C’tait le roi des éléphants.
– Non, ostie, j’te parle pas de Babar l’éléphant… À bâbord.
– Heu… bâbord c’est à gauche pi tribord c’est à drette.
– T’es tu sûr?
– Ché pas.

Moi pi Tony, assis dans le canot. On finissait les dernières Bowes. Les autres gisaient dans leur carton mouillé, à côté des cannes à pêche qu’on avait pas touchées de l’après-midi; un prétexte, rien d’autre. On voulait juste relaxer, boire des bières, fumer des battes. Profiter du beau temps, pendant que ça durait. On avait passé l’après-midi à jaser pi écouter de la musique. À se faire du fun pi s’en foutre.

– Hey on s’fume l’autre batte pi on s’pousse?
– Han?
– Le batte?
– Ha! Ben sûr. J’étais dû, moi, là.
– On a pas pogné grand’chose han!
– Bah on s’en crisse, tsé. Fuck les poissons.
– Ouin… anyway j’aime crissement pas tant ça du poisson.
– Bah c‘est bon, tsé, d’temps en temps.
– …
– …
– Hey… tsé d’la poutine… y en a à plein de sorte astheure… y en a tu au poisson?
– Fuck man pourquoi on en ferait au poisson?
– Bah ché pas.
– Oublie ça. Ça goûterait l’calvaire.
– Ouin.
– T’imagines tu à quel point tu puerais d’la yeule après ça?

J’ai pris la dernière poffe, celle qui brûle les doigts, pi j’ai lancé le mégot dans le lac. Le signal du départ. On zigzagait laborieusement, à cause de la bière pi de notre incompétence dans le domaine du canotage. Je sais pas pour Tony, mais moi, j’étais pas mal buzzé. Ma rame s’enfonçait dans l’eau doucement; j’aurais pu pagayer encore longtemps, sans réfléchir. C’était agréable. Le lac avait l’air plus tranquille que jamais. De toute la journée, on avait vu personne. Même pas de vent. Juste l’humidité qui nous étouffait gentiment.

C’est ce moment-là que ça a dérapé. Une rupture dans notre journée parfaite, dans notre vie normale. Un petit moment, une seconde qui a tout changé. Comme l’instant où un oiseau s’écrase contre une fenêtre. C’est le vrai commencement de toute l’histoire.

– Yooo quessé ça?
– Han?
– Là-bas! Tchèque!
– Dequoi crisse!
– Ostie, sur le bord de l’eau, tu vois pas?
– Crisse pointe comme du monde!
– T’es-tu aveugle ostie! Non sérieux, juste là, dins quenouilles… tu vois-tu?
– J’pense. Mais pourquoi tu m’montres ça?
– Ben là câlisse c’est des jambes!
– Han? Dequoi tu parles?
– Des jambes ostie, tu l’sé c’est quoi.
– Man, t’as trop bu ou ché pas…

C’était vraiment des jambes. Toutes blanches. Des jambes qui dépassaient des herbes hautes. Comme si quelqu’un était tombé dans l’eau pi que ses pieds trainaient encore sur la rive. Un corps à moitié submergé. Elles bougeaient pas. On voyait l’eau brune pi des jambes blanches qui sortaient. On s’est rapproché; des jambes de femme. Des belles jambes, avec des petits mollets bien formés pi des pieds avec les ongles peints en rouge. Debouts dans le canot, on était silencieux, tendus.

– Man, c’est quoi câlisse?
– Ben… quèqu’un de mort. La tête dans l’eau pi toute.
– Mort?
– Ben là!
– Heu… on fait quoi? Appeler la police?
– Ben oui toé, appeler la police. Nonon, fuck off, on se pousse. Anyway j’ai pas envie de rester icitte plus longtemps, j’ai des affaires à faire à soir.
– Tu veux qu’on la laisse là?
– Ben oué. Au pire quelqu’un d’autre va tomber là-dessus.
– Pi si personne…
– Ha câlisse a rest’ra là, quessé tu veux ça m’fasse!
– Ben là… c’est pas un crime ou dequoi…
– Quoi?
– Ben… genre pas aider quelqu’un…
– Calvaire, on l’a pas vue, pi c’est toute. Tsé est ben cachée pareil.
– …
– Mais on peut ben aller voir pareil.
– Quoi?
– Aller voir pareil. Juste demême.
– Voir un cadavre?
– Ché pas… personne va nous voir.

On a tiré le canot sur le bord de l’eau. Les jambes immobiles juraient dans le soir qui tombait, tellement blanches qu’elles brillaient presque. On les regardait sans bouger, sans savoir quoi faire. La bière pi le pot ajoutaient à l’effet irréel, engluaient mes réflexions qui se limitaient à remarquer l’incongruité des jambes sur la rive. Dans le flou de l’ivresse, c’était des jambes, rien d’autre. Je constatais juste leur présence, sans comprendre leur signification. Ni un cadavre, ni une femme noyée, juste une paire de jambes sur le bord d’un lac. Comme un élément de décor au mauvais endroit. Pourtant, elles se fondaient dans le paysage. Tranquilles, immobiles, éternelles.
Le temps passait, l’horizon se rapprochait peu à peu.

– On la sort de d’là?
– …
– Pogne son pied.

Peut-être que c’était la bière, peut-être le silence qui planait sur le lac, peut-être l’étrangeté de la situation qui rendait le monde réel trop loin pour y penser; je sais pas pourquoi, mais je me suis dit qu’on allait la sortir de là. Lui prendre les jambes pi la tirer hors de l’eau.

La peau était gluante, couverte d’une couche de substance visqueuse. Glissante, comme la peau savonneuse dans la douche. Froide, aussi, pi toute molle : les doigts laissaient des marques aux endroits que j’avais touchés, sillons qui disparaissaient en quelques secondes. Quand j’y repense, je comprends pas comment j’ai pu faire ça sans être dégoûté. Je frissonne juste à y penser.
Une main sur la cheville, l’autre au-dessus du genou, notre prise était bonne. On a tiré trop fort; le corps est sorti d’un coup pi on est tombé sur le cul.
C’est là que les jambes se sont mises à bouger, que l’adrénaline a kické.

– Va chercher la rame! Enwèye ostie!

Une réaction d’auto-défense, rien d’autre. Les jambes battaient l’air comme si elles voulaient se libérer d’une étreinte menaçante. Blanches, laides. Vivantes. J’ai pris la rame pi je me suis approché. Plus rien existait, plus rien, juste l’affaire qu’on venait de tirer hors de l’eau.
Les jambes blanches continuaient à gigoter sur la rive, comme si elles pédalaient sur un vélo détraqué. Blanches, avec les ongles peints en rouge. Normales jusqu’aux hanches. Mais un peu au-dessus du pubis, la peau s’écaillait. Un peu au dessus du pubis, c’était plus une femme, ni même un humain. La peau luisante pi huileuse réfléchissait les derniers rayons de l’après-midi, je m’en rappelle, ça brillait. Sur les côtés, des fentes palpitantes s’ouvraient pi se refermaient en spasmes désespérés. Les nageoires faisaient un bruit mou en frappant les flancs mouillés. Le corps sautillait sur place, secoué de convulsions asphyxiées.
J’arrivais pas à comprendre ce que je voyais, à rationaliser ce que j’avais sous les yeux. J’ai levé la rame au-dessus de ma tête pi j’ai donné un grand coup de hache sur le corps écailleux. La rame a rebondi sur la peau luisante comme sur un ballon trop gonflé. Le deuxième coup a atteint l’œil, l’œil sans paupière, l’œil qui semblait me voir, qui m’observait. Le globe a éclaté sous le coup, répandant un liquide blanchâtre sur les écailles brunes. Je continuais à frapper dans la plaie, rougissant le bout de ma rame qui projetait du sang chaque fois que je la levais au-dessus de ma tête. Puis la rame a percé les écailles. Le sang a jailli de la peau crevassée. Un liquide d’un brun translucide a coulé de la gueule du poisson. Il continuait à bouger, moi je continuais à frapper.
Je m’acharnais sur le corps sans penser aux jambes qui se débattaient, ni à la chose que je frappais; je devais continuer. Trop bizarre, trop horrible. C’était incontrôlé, mes mouvements, ma réaction; instinct de survie. Mais la menace était pas physique, pas dangereuse pour ma vie. Elle l’était pour ma santé mentale, pour le monde dans lequel je vivais, pour ce que j’acceptais comme étant la réalité, la vérité.
Du sang noir pi épais s’écoulait des branchies; une matière jaunâtre sortait de l’œil crevé à chaque coup que je portais. De la compote de pommes, on aurait dit. La tête horrible avait arrêté de gigoter, les jambes aussi. Je tapais sur le corps mutilé, immobile pi crevé. Puis, le ventre s’est ouvert, j’ai senti la chaleur sur ma peau, comme un souffle : l’odeur était dégoûtante. Molle, piquante. Les tripes ont coulé sur la berge, jusqu’à mes pieds. Des dizaines de petits globes ont roulé dans tous les sens. En reculant, j’ai pilé sur je sais pas quoi pi je me suis retrouvé étendu dans la pâte visqueuse. Dans les entrailles d’un monstre, mes mains glissant dans un liquide gluant. Peau souillée. Peau collante.
Sur la berge, une femme-poisson en bouillie. Les jambes bougeaient plus, le haut du corps croupissait en silence sous la brunante. Pâte à modeler multicolore fondue au soleil. Silence pesant. Sur le sol, une multitude de petites boules grosses comme des balles de ping-pong. Tony en a pris une dans ses mains, il l’a crevée maladroitement entre ses doigts. Un réflexe, comme une brûlure. Le têtard s’est écrasé au sol, le pied de Tony par-dessus.

– Man… je…
– Tabarnac tabarnac… crisse… tabarnac!
– C’est… quoi ça ? C’est quoi? Jo, ostie, c’est quoi?!
– Man je l’sais tu moé, crisse! Mais y est mort…
– …
– Je… je l’ai tu tuée?
– Ça a l’air…
– T’as-tu vu toi itou? Man une… une tête de poisson… comment ça?
– Je l’sais pas dude… pourquoi je l’saurais?
– Mais… c’est quoi?
– C’est, genre… une sirène… backside.
– … Fuck.
– …
– …
– On fait quoi?
– On s’pousse. Live.

Le temps de retrouver les rames, de mettre le canot à l’eau, de calmer un peu notre cœur convulsant. Un bruit. Un moteur. Un bateau. De plus en plus près.
Accroupis derrière le feuillage, on tremblait. À quelques mètres, le canot blanc trop visible dans la lumière mourante. Sur le lac, le bateau s’approchait. On bougeait pas, respirait pas, réfléchissait pas. Nos cerveaux embourbés s’enfonçaient. La bière pi le pot s’étaient évaporés quand on avait tiré la chose hors de l’eau.

– Y a tu quelqu’un ?
– …
– Allo?
– …
– Allo?
– On fait quoi?
– On a juste à sortir, pi dire qu’on s’en allait.
– Pi si y s’approche?
– Yaurait pas de raison de s’approcher.
– …
– Voyons ostie…
– Vas-y!
– …
– Allo?… Quessé qu’vous faites su’ mon terrain ?
– Bonjour… heu… désolé on savait pas que c’tait votre terrain… on voulait juste…
– Nonon, c’est pas grave… vous auriez pas vu personne, juste demême?
– Han? Heu… non… non.
– Vous êtes ben sûrs, paske… quessé ça?
– Quoi?
– Quessé vous avez faite?
– Rien… rien!
– Tabarnac!

Le gars a sauté à l’eau, laissant son bateau sur le bord de la rive. Il marchait vers nous, l’air crispé. On disait rien, on essayait juste de pas le regarder. Cerveau enseveli. Il avançait en direction du monstre écrasé sur le sol. En le voyant, il s’est mis à courir.
À genoux dans les entrailles colorées, ses bras pendaient le long de son corps, sa tête se promenait à gauche, à droite. Ses épaules sautillaient. On l’entendait sangloter. Là, je me suis dit qu’il y avait un vrai problème, parce que c’était impossible que quelqu’un pleure à cause de ça. Personne de normal.
Lentement, il s’est levé, s’est retourné vers nous, les yeux gonflés, rougis. Visage dévasté.

– Quessé… ostie quessé vous avez faite? Ostie! Ostie! Vous êtes qui câlisse! Han? Vous faites quoi icitte? Tabarnac!
– On…
– Ta yeule toé crisse! Vos yeules ostie! J’en reviens pas…. Calvaire! Comment ça?
– On l’a trouvée dans…
– Vous l’avez tuée! Ostie que vous êtes caves! À quoi vous avez pensé? Ostie… je suis supposé faire quoi moé, astheure? Han?

Ses cris étaient repris à travers le lac, écho improbable. Nous, toujours immobiles. Il est retourné à son bateau, derrière les roseaux. Pendant une seconde, je me suis dit qu’il partait pi qu’on allait retourner chez nous. Mais il est revenu, une carabine à la main. Moi pi Tony, silencieux, glacés, incrédules. Il pouvait pas s’en servir, de sa carabine, il pouvait pas. Mais la chose qui gisait à quelques mètres de là affirmait le contraire. Logique amputée. Il faudrait parler, s’en sortir en parlant. La seule façon de s’en sortir. Parler. Avec le gars à la carabine, le gars dément, le gars devant nous.

– Monsieur…
– Nonononon, ta yeule.
– Mais…
– Ta yeule ta yeule ta yeule! TA YEULE!
– …
– Pourquoi vous avez faite ça? Han!?
– On pensait que… un cadavre, dans l’eau… on a eu peur…
– Ben oué… on a eu peur… ostie! Qui c’est qui l’a tuée?
– …
– Toé? C’est-tu toé?
– N… non… je…désolé…
– Ben oué.

Le coup a touché Tony dans le ventre. Projeté en arrière, il est retombé sur les galets de la rive. Surpris par le son, je me suis laissé tomber en petite boule à terre. J’y croyais pas.
Le soir grisâtre a fini par avaler complètement la déflagration. Le silence est revenu. Tony, tout plein de sang, étendu sur le dos. Ses jambes bougeaient comme celles du monstre, plus tôt, mouvements incontrôlés, incongrus. Dans ses yeux, je voyais qu’il comprenait pas, Tony, qu’il comprenait pas pourquoi il était couché par terre avec du sang partout pi son ventre dans ses mains. Ses yeux étaient grand ouverts, sa tête tournait, à gauche, à droite, il cherchait une explication, une parcelle de réalité. Le gars s’est approché pi lui a donné deux coups de crosse dans la face. C’était plus Tony, c’était une autre affaire qui trainait sur le bord du lac. Tony mort. Tony-cadavre.

– Hey!
– …
– Toé! Vient icitte. Vient icitte!
– …
– Toé, tu peux t’racheter. Aide-moé. Prends-y les bras. On va l’emmener là-bas.
– …
– Enwèye!

Je me suis levé, pas sûr d’où j’étais pi de ce que je foutais là. J’ai fait comme le gars m’a dit, sans réfléchir, je pouvais pas réfléchir. Plus ou moins clairement, je me disais que j’allais pouvoir rembobiner tout ça quand ça serait fini.
En me penchant pour prendre les bras de Tony-cadavre, je pouvais pas détourner le regard de sa face éclatée. Son œil droit, crevé, se perdait dans le fond de son orbite fracassée. Son nez était écrasé vers le bas, pendait, masse cartilagineuse pi ruisselante, dans la bouche édentée. Tony masqué. Le gars lui a pris les pieds, pi on l’a emmené à côté du monstre. Le gars a sorti un couteau de je sais pas où pi il a agrandi la plaie. Méthodiquement. Une fois Tony-cadavre bien éventré, le gars a commencé à couper. À vider. Un organe à la fois. Sur la rive, l’intérieur de Tony-cadavre se mélangeait à celui de la femme-poisson. Dix, quinze minutes. Debout, j’attendais. Je regardais, les yeux vides. Quand j’y repense, je me trouve trop con. Le gars avait lâché sa carabine, j’aurais pu lui voler, ou juste partir en courant, je sais pas, au moins faire quelque chose. Mais j’ai rien fait. Puis le gars s’est levé, a baissé la tête en regardant à terre. Il s’est accroupi, il a pris un petit globe dans sa main, il l’a tourné dans tous les sens, puis il l’a lancé à l’eau. Il en a pris un autre, il l’a tourné en tous les sens, pi il est allé le déposer doucement dans le ventre de Tony-cadavre.

– Viens m’aider toé!
– …
– C’est pas compliqué. Tu prends ceux qui bougent encore pi t’es mets dans son ventre. Ceux qui bougent pas, t’es laisses là. Enwèye.
– …
– Faut les garder au chaud tsé.
– …
– Tiens, je t’en donne un. Ça va être le tien.
– …
– Prends-le !
– …
– Bon, mets-le dans ta yeule, pi aide moé à apporter ton ami su’l bateau.
– Dans…
– Pour qui reste au chaud calvaire! Vous avez tué sa mère câlisse, tu y dois ben ça!

L’œuf dans ma main, chaud, humide. Un genre de petit têtard déformé gigotant doucement derrière la paroi translucide. Vivant. Un petit animal qui pouvait pas exister mais qui bougeait pour vrai. L’œuf dans ma main venait comme confirmer tout ce qui s’était passé depuis qu’on avait vu les jambes, moi pi Tony. Pi il fallait que je le mette dans ma bouche.
Je me rappelais celui que Tony avait crevé entre ses doigts. Œuf fragile. J’avais peur du goût que ça allait avoir, de la texture, peur qu’il crève dans ma bouche, peur que le gars me tue si l’œuf crevait dans ma bouche. Je voulais surtout pas que le têtard me touche, qu’il agonise en se débattant sur mes joues.
J’ai placé mes mains comme pour boire de l’eau d’un robinet pi j’ai fait rouler l’œuf doucement jusque sur ma langue. Un haut le cœur. J’ai fermé les lèvres. Un autre, un gros. J’ai fermé les yeux, respiré par le nez. Longues respirations, comme au cours de yoga. Ça goûtait acide, dégueulasse. La paroi qui retenait le liquide me semblait molle, ondulait sur ma langue, mon palais, mes joues. Œuf fragile. Je me disais qu’en obéissant, le gars allait me laisser partir. C’était certain. Faire ce qu’il voulait, pi partir. Chez moi, à la maison. Le gars a dit que je pouvais me racheter. Me racheter, ensuite partir. Cette idée-là m’a aidé à supporter le goût de l’œuf, à le garder dans ma bouche.
Après ça, on a emmené Tony-cadavre jusqu’au bateau. Le gars m’a attaché les mains pi il a parti le moteur. Couché à terre, je voyais juste le ciel, les étoiles. La lune. Le bateau allait vite, je le sentais, mais les étoiles restaient au même endroit. Toile profonde. J’avais aucune idée de l’endroit où on allait, comment j’aurais pu le savoir? Je savais même pas où il était le chalet de Tony pi je le sais toujours pas. J’étais perdu. Avec un fou, Tony-cadavre pi un œuf de femme-poisson dans ma bouche. En me concentrant sur ma respiration, je réussissait momentanément à oublier ce que j’avais dans la bouche. Ça durait quelques secondes, pi je revenais à l’œuf.
Deux heures plus tôt, tout allait bien. Moi pi Tony on buvait, on fumait, on se faisait du fun. Mais le pot était loin, vraiment loin. Fracture douloureuse.
Après un long moment, le bateau s’est immobilisé. Le gars m’a détaché pi on a pris Tony-cadavre. On l’a descendu sur un petit quai pi on l’a mis dans la boîte d’un pick-up. Tout ça délicatement, pour pas briser les œufs. Dans ma bouche, l’œuf. Encore là, toujours là. Je le sentais gigoter par moments, déformer sa mince pellicule avec son petit corps hybride. Comme une femme enceinte sent son enfant bouger. C’est à ça que j’ai pensé, je m’en rappelle, parce que ça m’a complètement dégoûté, cette image-là. Moi qui porte un être vivant dans mon corps. Le gars m’a rattaché les mains, encore, pi les pieds. Dans la boîte, avec Tony-cadavre.
Le gars conduisait doucement, lentement, pour pas malmener les œufs. Mais sur le chemin de terre, ça servait à rien. Couché sur le ventre, je devais lever la tête un peu pour pas accoter ma mâchoire sur le plancher de la boîte. Garder la tête dans les airs pour pas heurter ma face pi briser l’œuf. Les muscles de mon cou forçaient, tout mon corps tremblait. Dans ma bouche, l’œuf, œuf fragile. J’endurais la douleur pour pas le briser. Le gars m’avait dit de le garder, que ça allait être le mien. Si je le brisais, le gars serait fâché. Pas le briser. Juste avant que je sois à bout de force, j’ai comme réalisé que l’œuf était moins fragile que je pensais. Avec ma langue, j’ai testé sa texture, sa résistance. C’était mou, mais solide. Je devais faire attention quand même, mais j’ai tenté de déposer la tête. J’avais trop mal, j’étais plus capable. En tremblant, j’ai accoté ma joue sur le plancher, en maintenant l’œuf avec ma langue dans mon autre joue, pour l’amortir un peu. Une onde de chaleur a envahi mon cou, vague douce pi englobante qui s’est propagée dans tout mon corps. Fin de la douleur, respiration plus facile. Amer réconfort.
Le pick-up s’est arrêté longtemps après. Une heure, peut-être. Ou deux, je sais pas. Mais quand on est arrivé, il faisait noir. Complètement noir, une nuit de campagne. D’encre. Le gars est monté dans la boîte.

– Bon, tabarnac. Bravo ostie! Sont tout’ morts!
– …
– Montre-moi voir lui dans ta yeule. Ouvre.
– …
– Haaa, c’est ben beau ça, lui au moins y est vivant. C’est un signe ça! Le destin. Tu vas voir, tu vas l’aimer.
– …
– Bon en attendant, prends ton ami pi emmène-le en arrière.

Les membres libérés, la bouche enfin vide, Tony-cadavre dans mes bras, j’avançais pas vite. Tony avait toujours été plus grand pi plus lourd que moi. Les œufs morts dans son ventre m’écœuraient. Il y en a qui avaient éclatés, d’autres qui bougeaient plus. Une vingtaine de globes translucides avec un petit mutant à l’intérieur, mort.
Je marchais dans la nuit sans voir où j’allais. Le gars m’avait dit d’aller là-bas, là où il pointait. J’ai marché quelques secondes avant de recevoir un violent coup au dans le bas du dos; mon corps s’est cassé en deux pi je suis tombé vers l’avant. Mais j’ai pas touché le sol tout de suite. Je suis tombé pendant une fraction de seconde de trop. Je me suis écrasé au fond d’un trou, sur Tony-cadavre. J’ai senti les œufs crever sous mon poids pi un liquide imbiber mon chandail.
Autour de moi, la nuit, le noir. À genoux sur le sol mou, humide, boueux. Derrière le sombre horizon, encore les étoiles, la lune, au même endroit, immobiles. Une odeur de terre mouillée emplit l’air. La nuit était chaude.

Là, je suis dans un trou, un trou dans le sol. J’ai essayé de sauter; le bord est trop haut. J’ai tâté les parois. Quatre murs, un trou carré. Rien à faire. Attendre.
– Une ‘tite clope mon Tony?
– …

Je me réveille en sursaut, le soleil dans la face. Devant moi, tout en haut du mur de terre, une silhouette. Découpée dans le ciel bleu. Je plisse les yeux dans l’éclat du matin. Puis je me rappelle. À quelques mètres, Tony-cadavre, encore mort. Toujours pas de miracle.
– J’imagine que t’aimerais ça partir d’icitte, han?
– …
– Nonon, j’comprends. Mais pas tu suite. Y faut qu’tu t’rachètes avant. Betôt mais pas tu suite.
– Je… j’m’excuse…
– J’espère ostie! T’aimerais tu ça, moé, que j’tue ta blonde han!? Han!?
– Non…
– Bon. Tiens, un peu d’pain. Du café?
– …
– Tu veux tu du café?
– Ok.
– …
– …
– C’est quoi l’idée, aussi? Han?! Deux mongols qui trouvent une sirène pi y décident d’la tuer? C’est-tu cave ou quoi!? Ostie qu’vous êtes épais! T’as pas l’droit d’faire ça! T’as pas l’droit!
– …
– …
– …
– Bon m’en va en ville, t’as-tu besoin de que’que chose?
– … heu… des clopes?
– Ok. À plus tard.

J’ai faim. Du pain blanc, mou, qui colle dans ma bouche. Un instant, le goût de l’œuf me revient; souvenir échappé, éphémère. Le café trop concentré me fait grimacer. Me racheter, encore. Je sais pas ce que ça veut dire. Ça me stresse. Me racheter.
Une sirène. C’est ça qu’il a dit. J’ai tué une sirène. Sa blonde. C’est quoi cette histoire-là. J’arrive pas à comprendre. Le problème, c’est que c’est vraiment arrivé, pour vrai. La sirène, les têtards morts, Tony-cadavre, tout ça c’est vrai.
J’entends son pick-up s’éloigner. Les chants des oiseaux l’avalent tranquillement. Il faut que je m’en aille. J’inspecte mon trou sous la lumière du jour : comme hier. Rien. Un trou dans la terre, plus ou moins carré, le sol légèrement incliné. Les murs doivent faire au moins trois mètres au point le plus bas pi presque quatre au point le plus haut. Dedans, juste moi, Tony-cadavre pi quelques œufs avortés. J’essaye de grimper, mais la terre est trop dure. Peut-être creuser les murs pour empiler la terre. Non plus. Utiliser Tony-cadavre pour marche-pied?
– Inquiète -toé pas mon Tony, j’te pilerai pas d’ssus.
– …
– Ben dormi?
– …
– Moé ‘tou. Mal au dos, crisse.
– …
– T’as-tu une idée?
– …
– Ostie d’histoire man… ostie…

Je confirme que j’ai aucune chance de m’évader. Officiellement. J’ai passé le matin à essayer de trouver une façon de grimper. Mais je suis encore là. Rien à faire, il faut que j’attende l’autre fou. Que j’attende de me racheter, peu importe ce que ça implique. Au moins il a pas l’air parti pour me torturer. Ni me laisser crever de faim. Trois repas par jour, pas vraiment bons, mais des repas quand même. Des clopes quand j’en ai besoin. Mais il me laisse dans le trou. Le pire dans tout ça, c’est pas savoir jusqu’à quand il faut que j’endure ça. Si je pouvais compter le temps qu’il me reste, ça me donnerait un objectif, quelque chose à quoi je pourrais m’accrocher. J’attends je sais pas quoi. Ma supposée rédemption. Si je reste tranquille pi je fais comme il dit, il va se mettre en confiance, il va relâcher sa surveillance pi je vais pouvoir en profiter. Me pousser. Mais il va falloir que je sois sûr de mon coup, j’ai pas envie qu’y m’attrape. Là il serait fâché. Il a quand même tiré sur Tony. Il l’a tué, Tony. À bout portant. Ostie. Je veux m’en aller.
Je veux m’en aller.

Je sais pas si la police me cherche. S’ils quelqu’un a trouvé le char des parents à Tony au chalet, ou remarqué que le canot est plus là. Le pire, c’est que ça se peut que mes parents aient même pas encore parlé à la police. Ils doivent penser que je suis chez un ami pi que j’ai oublié d’appeler. Mais je pense pas. Je pense qu’ils s’inquiètent.
Même là. On est bien trop loin du chalet pour qu’ils me retrouvent. Ça a prit au moins deux heures avant qu’on arrive ici. On doit être au milieu du bois, dans le trou du cul du monde. Pi quand le gars va en ville acheter des affaires, ça lui prend un bon bout de temps avant de revenir. Ils me trouveront pas. Mon trou, mon bout du monde, mon horizon.

Au moins je suis pas tout seul. Tony est avec moi. Tony-cadavre, Tony-muet, mais Tony quand même. J’ai commencé à lui parler dès le début, sans me poser de question. Comme ça, pour parler. Meubler le silence, éviter de penser. Je le sais très bien qu’il me répondra pas, qu’il est mort, Tony. Mais d’une certaine façon, en lui parlant, c’est une façon de m’excuser. C’est pas Tony qui l’a tué, la sirène, c’est moi. Pi c’est Tony que le gars a tué. Alors je m’excuse en parlant à Tony, en lui tenant compagnie dans le fond du trou, dans la mort. Pour pas le laisser tout seul. Pi je pense que c’est bon pour moi, pour pas que je vire fou. Lui parler, ça rend tout ça moins pire, peut-être. Comme si j’étais pas tout seul dans cette marde-là.

Ma toilette, c’est au milieu de la pente, à côté du mur. Je peux m’accoter, pi le stock va couler loin de moi. Tony-cadavre, lui, a roulé tout au fond. Moi je me suis installé au bout le plus élevé du plancher de terre.
Ça pue, dans mon trou. Pas de douche, un cadavre pi une salle de bain en plein air. Mais je me suis habitué. Je sens plus rien. Juste trois jours avec un cadavre pi c’est déjà rendu normal. Encore, pendant de courts instants de lucidité, je perçois l’odeur nauséabonde, comme un flash. Puis je l’oublie. Là, en ce moment, je le sais que ça pue, mais ça me dérange pas.

L’azur me déprime. Depuis que je suis là, aucun nuage. L’infini se déploie sur ma tête. Je pense à tout ce que je pourrais faire à la place, si j’étais chez nous. Fumer des joints en jouant au freesby, chiller avec San pi tout le monde à la plage, n’importe quoi. N’importe quoi sauf ça, mon trou de quatre mètres carrés. Je me demande ce qu’ils font, les autres. J’aime penser qu’ils boivent de la bière en notre honneur, à moi pi Tony. Ça me rend triste. Je me rends triste tout seul. Il faut pas penser à ça. Monde parallèle, lointain, irréel. Estompé.

Les nuages, noirs et lourds. Pour la première fois depuis que je suis dans mon trou, il va pleuvoir. Ça se sent. L’air est épais, la chaleur collante. Ça me rappelle que j’ai pas pris de douche depuis un bon bout. Je regarde les nuages glisser lentement les uns sur les autres, sans bruit. Enflés, gonflés. Mais toujours rien. Dans mon trou, rien pour me protéger, rien à ma disposition. De la terre, un cadavre, mon linge. Ça fait pas beaucoup. Je sais pas ce que je vais faire quand il va commencer à pleuvoir. J’ai pas vraiment envie de passer la nuit à trembler dans un lit de bouette.
Tout-à-coup, j’ai peur de mourir noyé. L’eau va s’accumuler pi je vais mourir. À moins que l’eau qui monte m’aide à sortir d’ici.
Je fais le saut; quelque chose tombe à côté de moi. Un gros paquet noir.
– Tiens. Pour à soir.
– …
– … Y’annoncent d’la pluie. C’t’une tente. Tu peux pas dire j’pense pas à toé!
– Merci.
– Pi inquiète-toé pas pour l’eau, a va couler vers le fond pi la terre est ben poreuse.
– …
– C’est quoi ton nom?
– Jo.
– Enchanté, Jo. Moé c’est Michel.
– …
– Écoute, tu dois m’haïr pi toute, pi je comprends ça. Mais va pas penser qu’chu un fou, là.
– Nonon…
– Arrête moé ça, t’es trop téteux. J’ai rien contre toé, moé, mais faut tu comprennes une affaire : toé pi ton chum, ben vous avez tué ma blonde, ok, pi je peux pas laisser faire ça. Tu comprends? Tu penses tu que j’me fais du fun à t’garder demême chez nous? Ben non! Mais j’veux te garder à l’œil. Je l’sais qu’tu veux t’en aller. Mais j’veux qu’tu t’rachètes. D’ici un mois et demi, ça devrait marcher.
– Un mois et demi?
– T’es ben capable de patienter encore un peu. J’essaye de pas trop être méchant aik toé, ché pas si t’as r’marqué.
– Ouin… heu… merci…
– …
– Je… j’peux-tu vous d’mander que’que chose?
– Quoi?
– Ben… faudrait j’parle à mes parents, ou ben j’leur envoye un mail, juste pour dire que chu correct tsé, que j’va revenir dans deux mois… tsé j’peux inventer une histoire, je sais pas, un roadtrip, n’importe quoi… j’veux juste leur dire que j’vas ben. Pour pas qu’y s’inquiètent.
– T’es tu malade! On s’en crisse d’eux-aut’! Tchèque moé, j’ai pas besoin de personne pi chu content pareil. Moé chu ben icitte, j’ai pas envie d’aller ailleurs. J’ai tout ce que j’veux. J’avais tout ce que j’veux, avant toé pi l’autre cave v’niez faire les cons par icitte.
– Mais…
– Haa, arrête ostie! Un point c’est toute.
– …
– …

Hier, le gars est venu me réveiller. Il criait d’en-haut du trou qu’il fallait que je sorte. Il pleuvait plus, même si le ciel était toujours couvert, l’air toujours lourd. Juste la terre humide pi les arbres couverts de gouttelettes. Le gars m’a demandé si j’avais bien dormi, je comprenais pas pourquoi il me demandait ça. Ensuite il m’a donné un cigare pi du champagne. Il avait l’air de bonne humeur. Je lui ai demandé ce qu’on fêtait pi il m’a répondu que je verrais plus tard. On a allumé notre cigare pi le gars a commencé à parler. Il m’a posé des questions, demandé ce que je faisais dans la vie, des trucs comme ça. Moi je savais pas quoi répondre, j’avais pas vraiment envie de lui parler, au fou qui avait tué Tony. Il m’a dit qu’il s’excusait d’avoir tué Tony, qu’il avait pété les plombs. Il m’a aussi dit qu’il s’excusait mais qu’il avait besoin de moi. Je lui ai dit que c’était pas grave. J’avais pas le choix. Hypocrisie; légitime défense.
Pi là aujourd’hui, dans l’après-midi, le gars est venu s’installer à côté de mon trou pi il m’a donné une bière. Il a fumé une clope avec moi en me racontant qu’il avait frappé un chevreuil à matin en allant en ville pi que son pare-choc était fini. Ensuite il m’a souhaité bonne fin de journée pi il est reparti. Ça fait du bien, une bonne bière.
Dans le coin, Tony, un œil entrouvert. Enfoncé dans la boue jusqu’à la taille mais toujours en position assise, comme je l’ai mis la première journée.
– Le gars fait dire qu’y s’excuse.
– …
– Ouin.

Il a plu toute la nuit. J’ai presque pas dormi. Les gouttes sur ma tente faisaient un bruit sec, fort. L’eau qui coulait le long de la toile ruisselait en motifs hypnotisants.
Ce matin, quand il a arrêté de pleuvoir, il y avait presque un pied de boue au fond du trou. Tony avait encore renfoncé; il était tombé sur le côté, la face vers le sol. Je l’ai regardé longtemps, pi je l’ai enterré. Je lui dois bien ça, à Tony. Je l’ai recouvert de boue pour qu’il arrête de pourrir, pour qu’il arrête de geler sous la pluie.
La boue que j’ai mise par-dessus a une couleur bizarre.

Au début je pleurais tous les jours parce que je voulais m’en aller. J’arrêtais pas de penser à m’en aller. Mais là, j’ai comme accepté d’attendre. C’est clair que j’ai hâte de m’en aller, mais maintenant que je sais que ça va arriver, on dirait que je suis moins pressé. J’essaye d’imaginer comment ça va se passer, mais j’abouti à rien. Je vais dire quoi à mes parents? Je peux pas leur dire la vérité, ils me croiraient pas. Ni à la police, d’ailleurs. Je me retrouverais dans un hôpital de fous ou quelque chose du genre. Donc il faudrait que j’invente un mensonge, mais un mensonge assez complexe pour être crédible. Si je mens pi que les policiers l’apprennent, ils vont sûrement penser que j’ai quelque chose à voir avec la disparition de Tony.
Tony. Il va falloir que je trouve une raison pour justifier l’absence de Tony.
J’ai encore le temps d’y penser.

La bière fait du bien, elle me rapproche de la réalité. Parler avec le gars aussi, ça fait oublier un peu ce qui s’est passé pour vrai. A force de le côtoyer, le gars, j’ai comme gagné un peu d’assurance. J’ai moins peur de lui, je pense. Sérieusement, je pense pas qu’il veut me faire du mal. Il a l’air sincère.
– Je… chu désolé… d’avoir faite c’qu’on a faite moé pi Tony.
– …
– …
– Je l’sé. J’te crois. Mais ça la ramènera pas.
– …
– J’m’ennuie d’elle.
– …
– Des fois je r’garde le lac… mais est pas là… j’ai pas été nagé depuis. C’est pas pareil sans elle, ça me tente pu.
– …

À matin, j’ai réussi à me crosser. J’avais déjà essayé une couple de fois, quand je me réveillais après un rêve cochon. Mais le décor me rattrapait, l’odeur, la situation. Je me sentais mal de faire ça devant Tony, même mort. Me crosser avec ma toilette à quelques mètres, pi des têtards mutants devant moi. Ça me turnait off, ça me dégoutait. Mais à matin, j’ai réussi. Je sais pas pourquoi. Je suis venu dans la boue.

J’ai jamais vraiment eu de blonde. Il y a eu des filles que j’ai aimées, je pense. Mais c’est impossible d’être sûr. L’amour, c’est peut-être juste une raison de se dire qu’on est heureux. Histoire de se calmer un peu, d’avoir une raison de vivre.
Les filles que j’ai aimé, ça a toujours été parce que je les trouvais belles. Rien d’autre. Presque un choix, une décision que j’ai prise pi que j’ai respectée. Jusqu’à ce que ça arrête. Une peine d’amour : une mauvaise décision. Jamais rien de plus. Aimer parce que c’est normal, que ça va de soi. Je sais pas trop si j’y crois.
La seule personne que j’aimais plus que les autres, c’était Tony. On s’entendait ben. Pas de malaise, rien. Je pense qu’on se comprenait. Mais là.

J’ai hâte que le gars viennent me parler, hâte qu’il m’amène une bière. Je me sens mal. Je comprends pas pourquoi, mais le gars, je le trouve sympathique. J’ai honte. Le gars a tué mon ami, le gars me tient prisonnier dans un trou derrière chez eux, mais j’ai hâte de lui parler. C’est trop long tout seul au fond de mon trou. J’aimerais ça l’haïr, le gars, même que des fois je réussi. Je pense à tout ça, toute cette histoire-là, de trou, de sirène, de Tony tué, pi je l’haïs. Mais il m’apporte mon déjeuner, mon café, mes clopes, il me jase ça en buvant une bière, pi je peux pas m’empêcher de le trouver sympathique. Pi là c’est moi que je me mets à haïr.

Je pense encore à ce que je ferais en retournant chez nous. C’est con, mais je suis rassuré parce qu’au moins j’aurai pas manqué d’école. Si le gars tient sa promesse, je vais être sorti d’ici avant la rentrée. Ça gâchera pas toute ma vie. Juste mon été. Comme si ma vie dépendait du nombre de sessions que je fais au CÉGEP. Je le sais même pas ce que je vais faire après mon DEC. Ils nous font faire des tests depuis secondaire trois, comme si il fallait le savoir tout de suite. J’vais pas me fier à un test corrigé par une machine pour choisir ma carrière. C’est cave. Je me dis que j’ai encore le temps d’y penser, mais que ça commence à presser. Mais j’ai pas envie d’y réfléchir. Je sais pas combien de temps mes parents vont continuer à payer mes études. Je pense que j’aimerais ça aller en voyage. Genre en Europe. J’aimerais ça mais j’ai personne avec qui y aller. Je sais pas si je serais capable tout seul. Ça prendrait de l’argent, aussi, pi j’en ai pas. Pi là c’est certain que j’ai perdu ma job. Bah. Il me reste un an avant d’arriver là.

Si j’ai bien calculé, ça fait un peu plus qu’un mois que je suis ici. Dans mon trou. C’est con, mais on s’habitue vite à rien faire. Tous les jours, je regarde passer le temps, le soleil monter dans le ciel, pi redescendre. Au début c’était intolérable. Mais là, ça va. Ça s’est fait tout seul, comme ça. Ça sert à rien d’avoir hâte; le temps se rallonge. Il faut juste accepter de rien faire. Je me sens bien. Aucune obligation, rien. Je jase avec Michel.
Je me sens vraiment mal pour lui. C’est moi qui l’ai tuée sa blonde. Je me rends compte qu’il l’aimait vraiment gros. Ça me rend triste. Des fois je me demande si je devrais lui dire que c’était moi pi pas Tony. Mais je le fais pas. Ça servirait à rien. À la limite, je peux comprendre qu’il ait été vraiment fâché pi qu’il ait sauté une coche pendant un instant. En plus, je pense qu’il le sait. Pi il s’est excusé. C’est pas facile de reconnaitre qu’on a tord. Mais lui il a accepté son erreur pi il sait que c’était pas bien. C’est pas tout le monde qui est capable de faire ça.

Il reste juste une couple de jours, pi après je suis libre. Si j’ai bien compté. C’est sûr que je pourrais demander à Michel, mais j’aime mieux pas. Je veux pas qu’il pense que je l’haïs pi que je veux juste retourner chez nous. Je l’aime bien, Michel, mais je m’ennuie pareil de mon lit. De toute façon, un jour de plus ou de moins, ça change pas grand-chose.

J’entends une porte claquer. Michel m’amène ma bière de 4 heures.
– Pi, fait pas trop chaud?
– Ça va, ça va. C’est mieux ça que d’la pluie.
– Drette ça. Faut voir le positif dans vie.
– …
– Tiens, j’t’ai am’né un p’tit queque chose.
Il s’accroupi sur le bord du trou pi me tend un genre de gros livre relié en cuir.
– C’que j’te montre-là, je l’ai jamais montré à personne.
– Je…
– Ouvre-le.
C’est un album photo. Presque trois pouces d‘épais. Sur la première photo, on voit un lac au lever du soleil. En regardant bien, j’ai aperçu une forme bizarre qui sortait de l’eau. On aurait dit des fesses. Je tourne les pages. Juste des photos de lac. Puis, sur une photo, on voit clairement une silhouette sous l’eau : un corps de poisson avec deux jambes. Je lève les yeux vers Michel, mais il fume en regardant au loin. Peu à peu, les photos se font plus claires pi se rapprochent de leur sujet. Des photos de la sirène, des photos de la blonde de Michel. Mais c’est pas juste des photos; c’est leur histoire. Je vois comment il l’a apprivoisée, comment ils se sont connus, comment ils se sont aimés. Ça m’émeut. C’est moi qui ai gâché tout ça.
– Était belle han?
La photo montre la sirène de dos. On voit ses petites fesses rondes sortir de l’eau en avant-plan, avec la tête tournée vers la caméra, mais sous la surface.
– Oué.
Elle avait vraiment des belles jambes. À chaque photo, mon regard cherche à s’introduire entre ses cuisses. La caméra capture dans la nage de la sirène des positions sensuelles, troublantes.
Les dernières pages montrent des photos du lac, vide.

Je stresse. J’ai toujours aucune idée de l’histoire que je vais raconter à ma mère pi à la police. À tout le monde. Il faut que j’invente dequoi, parce que personne va croire à la vérité. Au pire, je peux dire que je suis parti avec Tony dans un roadtrip pi qu’on s’est séparés à un moment donné. Mais le char de Tony est dans la cour du chalet. Ça marche pas. Au fond, la meilleure chose à dire, c’est ce qui s’est passé pour vrai, mais sans la sirène. J’avais les yeux bandés, j’ai rien pu voir. C’est ça.
C’est clair que j’ai hâte de me coucher dans mon lit, mais j’ai vraiment pas envie de parler à plein de monde qui vont être triste pour moi, pauvre gars qui s’est fait séquestré. Ça a pas été si pire. J’ai pas envie d’être le centre d‘attention.
Des fois je me demande pourquoi je veux rentrer chez nous. Les vraies raisons. C’est pas pour mes études; je sais même pas ce que je veux faire. Je m’ennuie pas vraiment de ma famille. Je m’entends bien avec mes parents, mais on a jamais été très proches. J’avais pas de blonde, pas d’engagement nulle part. La meilleure raison, c’est mes amis. Je voudrais les revoir. Mais au fond de moi, je me dis qu’ils ont trouvé quelqu’un d’autre pour me remplacer, pour faire des jokes à ma place. J’haïs ça.

– Grosse journée aujourd’hui!
– Han?
– C’est aujourd’hui que tu t’rachète!
– …
– Inquiète-toé pas, c’est rien de ben terrible.
Le gars déroule une échelle de corde. Rush d’adrénaline. C’est là. Je tremble mais je monte pareil. Il me fait rentrer dans son chalet, me fait m’asseoir devant la télé, pi il me donne une pilule à avaler. Je sais pas c’est quoi cette pilule-là. J’ai pas envie, mais j’ai pas le choix. Il allume la télé, me dit de patienter quelques minutes pi sort dehors. Je regarde autour. Je suis pas attaché, rien. Je pourrais sortir, prendre son pick-up pi partir. Je pourrais le faire. Juste y penser, ça me stresse. Je le ferai pas. J’ai patienté tout ce temps-là, je vais pas tout gâcher en essayant de m’enfuir maintenant. Je vais me racheter, pi je vais pouvoir partir. Après.
Je regarde la télé en attendant. C’est La petite sirène. Je souris. Ça fait longtemps que j’ai vu ce film-là. Longtemps que j’ai pas regardé la télé. Ça fait du bien. Ça fait longtemps que j’ai pas vu de fille, aussi. Je regarde la petite sirène rousse nager dans la mer, avec les hippocampes pi les méduses. Quelle âge elle a, la petite sirène? Mettons, 13 ans? Peut-être 15. Bah, quinze, c’est correct. Avec ses cheveux rouges, elle est cute, pareil… pi sa taille toute mince… les coquillages qui cachent ses seins… pourquoi elle les porte? Enlève-les… son sourire… sa façon de nager… Je bande, solide. J’ai pas été excité demême depuis longtemps. Je me sens tout gonflé.
Le gars revient. Il me dit de le suivre. Je me lève, mal à l’aise. J’essaye de cacher mon érection. Il m’amène dans une petite cabane, pas loin du chalet.
– Tadam!
Au milieu de la pièce, un gros bac transparent. Un aquarium. Dedans, une sirène. Des jambes de femme pi un devant de poisson. Comme celle que j’avais tuée. Mais plus petite. Tout d’un coup, je comprends. Je comprends, mais le pire, c’est que ça me dérange pas tant que ça. Je regarde le gars.
– C’est ta blonde, astheure. Vas-y, fourre-la.
Je suis encore bandé, encore excité. Je regarde les jambes dans l’eau, les jambes nues, les petites fesses toutes rondes… le poil qui pousse tranquillement entre les cuisses… les nageoires, tellement agiles… les écailles, qui changent toujours un peu de couleur…
Je bouge pas, je regarde la sirène, comme un pédophile regarde un petit garçon dans une cour d’école… j’ai tellement envie… mais je le sais que c’est dégueulasse, pas normal… je me déshabille pi j’entre dans le bac. J’ai de l’eau jusqu’au nombril. L’eau est tiède, c’est doux sur mes fesses, ma queue… ça m’excite encore plus. La sirène se met à nager autour de moi… à me frôler avec ses pieds, ses nageoires, ses fesses… J’étends la main pour la caresser moi aussi… elle est vraiment douce tellement douce… ses fesses sont blanches, fermes… à deux mains, je prends la sirène par les hanches pi je l’emmène vers moi. Je la touche un peu, entre les cuisses… mes doigts rentrent pas… elle est vierge… osti que j’ai envie de la baiser… elle est placée en levrette, les fesses remontées. Elle se maintient en place avec ses nageoires. Elle rapproche son cul. Je prends mon pénis pi je le rentre dans son vagin. Ça résiste, j’y vais plus fort… je la tiens solidement par les hanches… pi là mon pénis au complet rentre, jusqu’aux testicules. L’eau rougit autour de nous, ça m’excite encore plus… je commence à me faire aller le bas-ventre… fuck ça fait du bien… pi là à un moment donné… la sirène se fait aller toute seule, avec ses nageoires… elle avance pi recule doucement… j’ai pas besoin de la toucher… les branchies s’ouvrent plus rapidement… sa bouche aussi… elle se met à aller plus vite… je sens que je vais venir bientôt… c’est bon… pi là juste comme j’arrive pour jouir, la sirène baisse sa tête de poisson. Ses nageoires se mettent à flipper. Les orteils se courbent… Je vois son anus se contracter… pi sa vulve se serrer tout d’un coup… pi là je viens… un gros orgasme, direct dans son vagin de vierge. En venant, je lui sers les hanches pi je la presse contre mon ventre, le pénis bien enfoncé. Pi là je lâche tout… je me retourne. Le gars me tend une coupe de champagne avec un gros sourire dans sa face.
– Un toast pour mon gendre !

L’autre Arielle – Dernière partie

février 27, 2011

Dans le dernier épisode : Après avoir tué une sirène backside à coups de rame, Jo a vu son ami Tony se faire shotgunner par un monsieur fou qui l’a ensuite obligé à garder un oeuf de sirène dans sa bouche. Jo est séquestré dans un trou dans le sol par le gars, Michel, qui lui promet qu’y va le laisser partir une fois qu’y va s’être racheté.

L’autre Arielle – Dernière partie

Il a plu toute la nuit. J’ai presque pas dormi. Les gouttes sur ma tente faisaient un bruit sec, fort. L’eau qui coulait le long de la toile ruisselait en motifs hypnotisants.
Ce matin, quand il a arrêté de pleuvoir, il y avait presque un pied de boue au fond du trou. Tony avait encore renfoncé; il était tombé sur le côté, la face vers le sol. Je l’ai regardé longtemps, pi je l’ai enterré. Je lui dois bien ça, à Tony. Je l’ai recouvert de boue pour qu’il arrête de pourrir, pour qu’il arrête de geler sous la pluie.
La boue que j’ai mise par-dessus a une couleur bizarre.

Au début je pleurais tous les jours parce que je voulais m’en aller. J’arrêtais pas de penser à m’en aller. Mais là, j’ai comme accepté d’attendre. C’est clair que j’ai hâte de m’en aller, mais maintenant que je sais que ça va arriver, on dirait que je suis moins pressé. J’essaye d’imaginer comment ça va se passer, mais j’abouti à rien. Je vais dire quoi à mes parents? Je peux pas leur dire la vérité, ils me croiraient pas. Ni à la police, d’ailleurs. Je me retrouverais dans un hôpital de fous ou quelque chose du genre. Donc il faudrait que j’invente un mensonge, mais un mensonge assez complexe pour être crédible. Si je mens pi que les policiers l’apprennent, ils vont sûrement penser que j’ai quelque chose à voir avec la disparition de Tony.
Tony. Il va falloir que je trouve une raison pour justifier l’absence de Tony.
J’ai encore le temps d’y penser.

La bière fait du bien, elle me rapproche de la réalité. Parler avec le gars aussi, ça fait oublier un peu ce qui s’est passé pour vrai. A force de le côtoyer, le gars, j’ai comme gagné un peu d’assurance. J’ai moins peur de lui, je pense. Sérieusement, je pense pas qu’il veut me faire du mal. Il a l’air sincère.
– Je… chu désolé… d’avoir faite c’qu’on a faite moé pi Tony.
– …
– …
– Je l’sé. J’te crois. Mais ça la ramènera pas.
– …
– J’m’ennuie d’elle.
– …
– Des fois je r’garde le lac… mais est pas là… j’ai pas été nagé depuis. C’est pas pareil sans elle, ça me tente pu.
– …

À matin, j’ai réussi à me crosser. J’avais déjà essayé une couple de fois, quand je me réveillais après un rêve cochon. Mais le décor me rattrapait, l’odeur, la situation. Je me sentais mal de faire ça devant Tony, même mort. Me crosser avec ma toilette à quelques mètres, pi des têtards mutants devant moi. Ça me turnait off, ça me dégoutait. Mais à matin, j’ai réussi. Je sais pas pourquoi. Je suis venu dans la boue.

J’ai jamais vraiment eu de blonde. Il y a eu des filles que j’ai aimées, je pense. Mais c’est impossible d’être sûr. L’amour, c’est peut-être juste une raison de se dire qu’on est heureux. Histoire de se calmer un peu, d’avoir une raison de vivre.
Les filles que j’ai aimé, ça a toujours été parce que je les trouvais belles. Rien d’autre. Presque un choix, une décision que j’ai prise pi que j’ai respectée. Jusqu’à ce que ça arrête. Une peine d’amour : une mauvaise décision. Jamais rien de plus. Aimer parce que c’est normal, que ça va de soi. Je sais pas trop si j’y crois.
La seule personne que j’aimais plus que les autres, c’était Tony. On s’entendait ben. Pas de malaise, rien. Je pense qu’on se comprenait. Mais là.

J’ai hâte que le gars viennent me parler, hâte qu’il m’amène une bière. Je me sens mal. Je comprends pas pourquoi, mais le gars, je le trouve sympathique. J’ai honte. Le gars a tué mon ami, le gars me tient prisonnier dans un trou derrière chez eux, mais j’ai hâte de lui parler. C’est trop long tout seul au fond de mon trou. J’aimerais ça l’haïr, le gars, même que des fois je réussi. Je pense à tout ça, toute cette histoire-là, de trou, de sirène, de Tony tué, pi je l’haïs. Mais il m’apporte mon déjeuner, mon café, mes clopes, il me jase ça en buvant une bière, pi je peux pas m’empêcher de le trouver sympathique. Pi là c’est moi que je me mets à haïr.

Je pense encore à ce que je ferais en retournant chez nous. C’est con, mais je suis rassuré parce qu’au moins j’aurai pas manqué d’école. Si le gars tient sa promesse, je vais être sorti d’ici avant la rentrée. Ça gâchera pas toute ma vie. Juste mon été. Comme si ma vie dépendait du nombre de sessions que je fais au CÉGEP. Je le sais même pas ce que je vais faire après mon DEC. Ils nous font faire des tests depuis secondaire trois, comme si il fallait le savoir tout de suite. J’vais pas me fier à un test corrigé par une machine pour choisir ma carrière. C’est cave. Je me dis que j’ai encore le temps d’y penser, mais que ça commence à presser. Mais j’ai pas envie d’y réfléchir. Je sais pas combien de temps mes parents vont continuer à payer mes études. Je pense que j’aimerais ça aller en voyage. Genre en Europe. J’aimerais ça mais j’ai personne avec qui y aller. Je sais pas si je serais capable tout seul. Ça prendrait de l’argent, aussi, pi j’en ai pas. Pi là c’est certain que j’ai perdu ma job. Bah. Il me reste un an avant d’arriver là.

Si j’ai bien calculé, ça fait un peu plus qu’un mois que je suis ici. Dans mon trou. C’est con, mais on s’habitue vite à rien faire. Tous les jours, je regarde passer le temps, le soleil monter dans le ciel, pi redescendre. Au début c’était intolérable. Mais là, ça va. Ça s’est fait tout seul, comme ça. Ça sert à rien d’avoir hâte; le temps se rallonge. Il faut juste accepter de rien faire. Je me sens bien. Aucune obligation, rien. Je jase avec Michel.
Je me sens vraiment mal pour lui. C’est moi qui l’ai tuée sa blonde. Je me rends compte qu’il l’aimait vraiment gros. Ça me rend triste. Des fois je me demande si je devrais lui dire que c’était moi pi pas Tony. Mais je le fais pas. Ça servirait à rien. À la limite, je peux comprendre qu’il ait été vraiment fâché pi qu’il ait sauté une coche pendant un instant. En plus, je pense qu’il le sait. Pi il s’est excusé. C’est pas facile de reconnaitre qu’on a tord. Mais lui il a accepté son erreur pi il sait que c’était pas bien. C’est pas tout le monde qui est capable de faire ça.

Il reste juste une couple de jours, pi après je suis libre. Si j’ai bien compté. C’est sûr que je pourrais demander à Michel, mais j’aime mieux pas. Je veux pas qu’il pense que je l’haïs pi que je veux juste retourner chez nous. Je l’aime bien, Michel, mais je m’ennuie pareil de mon lit. De toute façon, un jour de plus ou de moins, ça change pas grand-chose.

J’entends une porte claquer. Michel m’amène ma bière de 4 heures.
– Pi, fait pas trop chaud?
– Ça va, ça va. C’est mieux ça que d’la pluie.
– Drette ça. Faut voir le positif dans vie.
– …
– Tiens, j’t’ai am’né un p’tit queque chose.
Il s’accroupi sur le bord du trou pi me tend un genre de gros livre relié en cuir.
– C’que j’te montre-là, je l’ai jamais montré à personne.
– Je…
– Ouvre-le.
C’est un album photo. Presque trois pouces d‘épais. Sur la première photo, on voit un lac au lever du soleil. En regardant bien, j’ai aperçu une forme bizarre qui sortait de l’eau. On aurait dit des fesses. Je tourne les pages. Juste des photos de lac. Puis, sur une photo, on voit clairement une silhouette sous l’eau : un corps de poisson avec deux jambes. Je lève les yeux vers Michel, mais il fume en regardant au loin. Peu à peu, les photos se font plus claires pi se rapprochent de leur sujet. Des photos de la sirène, des photos de la blonde de Michel. Mais c’est pas juste des photos; c’est leur histoire. Je vois comment il l’a apprivoisée, comment ils se sont connus, comment ils se sont aimés. Ça m’émeut. C’est moi qui ai gâché tout ça.
– Était belle han?
La photo montre la sirène de dos. On voit ses petites fesses rondes sortir de l’eau en avant-plan, avec la tête tournée vers la caméra, mais sous la surface.
– Oué.
Elle avait vraiment des belles jambes. À chaque photo, mon regard cherche à s’introduire entre ses cuisses. La caméra capture dans la nage de la sirène des positions sensuelles, troublantes.
Les dernières pages montrent des photos du lac, vide.

Je stresse. J’ai toujours aucune idée de l’histoire que je vais raconter à ma mère pi à la police. À tout le monde. Il faut que j’invente dequoi, parce que personne va croire à la vérité. Au pire, je peux dire que je suis parti avec Tony dans un roadtrip pi qu’on s’est séparés à un moment donné. Mais le char de Tony est dans la cour du chalet. Ça marche pas. Au fond, la meilleure chose à dire, c’est ce qui s’est passé pour vrai, mais sans la sirène. J’avais les yeux bandés, j’ai rien pu voir. C’est ça.
C’est clair que j’ai hâte de me coucher dans mon lit, mais j’ai vraiment pas envie de parler à plein de monde qui vont être triste pour moi, pauvre gars qui s’est fait séquestré. Ça a pas été si pire. J’ai pas envie d’être le centre d‘attention.
Des fois je me demande pourquoi je veux rentrer chez nous. Les vraies raisons. C’est pas pour mes études; je sais même pas ce que je veux faire. Je m’ennuie pas vraiment de ma famille. Je m’entends bien avec mes parents, mais on a jamais été très proches. J’avais pas de blonde, pas d’engagement nulle part. La meilleure raison, c’est mes amis. Je voudrais les revoir. Mais au fond de moi, je me dis qu’ils ont trouvé quelqu’un d’autre pour me remplacer, pour faire des jokes à ma place. J’haïs ça.

– Grosse journée aujourd’hui!
– Han?
– C’est aujourd’hui que tu t’rachète!
– …
– Inquiète-toé pas, c’est rien de ben terrible.
Le gars déroule une échelle de corde. Rush d’adrénaline. C’est là. Je tremble mais je monte pareil. Il me fait rentrer dans son chalet, me fait m’asseoir devant la télé, pi il me donne une pilule à avaler. Je sais pas c’est quoi cette pilule-là. J’ai pas envie, mais j’ai pas le choix. Il allume la télé, me dit de patienter quelques minutes pi sort dehors. Je regarde autour. Je suis pas attaché, rien. Je pourrais sortir, prendre son pick-up pi partir. Je pourrais le faire. Juste y penser, ça me stresse. Je le ferai pas. J’ai patienté tout ce temps-là, je vais pas tout gâcher en essayant de m’enfuir maintenant. Je vais me racheter, pi je vais pouvoir partir. Après.
Je regarde la télé en attendant. C’est La petite sirène. Je souris. Ça fait longtemps que j’ai vu ce film-là. Longtemps que j’ai pas regardé la télé. Ça fait du bien. Ça fait longtemps que j’ai pas vu de fille, aussi. Je regarde la petite sirène rousse nager dans la mer, avec les hippocampes pi les méduses. Quelle âge elle a, la petite sirène? Mettons, 13 ans? Peut-être 15. Bah, quinze, c’est correct. Avec ses cheveux rouges, elle est cute, pareil… pi sa taille toute mince… les coquillages qui cachent ses seins… pourquoi elle les porte? Enlève-les… son sourire… sa façon de nager… Je bande, solide. J’ai pas été excité demême depuis longtemps. Je me sens tout gonflé.
Le gars revient. Il me dit de le suivre. Je me lève, mal à l’aise. J’essaye de cacher mon érection. Il m’amène dans une petite cabane, pas loin du chalet.
– Tadam!
Au milieu de la pièce, un gros bac transparent. Un aquarium. Dedans, une sirène. Des jambes de femme pi un devant de poisson. Comme celle que j’avais tuée. Mais plus petite. Tout d’un coup, je comprends. Je comprends, mais le pire, c’est que ça me dérange pas tant que ça. Je regarde le gars.
– C’est ta blonde, astheure. Vas-y, fourre-la.
Je suis encore bandé, encore excité. Je regarde les jambes dans l’eau, les jambes nues, les petites fesses toutes rondes… le poil qui pousse tranquillement entre les cuisses… les nageoires, tellement agiles… les écailles, qui changent toujours un peu de couleur…
Je bouge pas, je regarde la sirène, comme un pédophile regarde un petit garçon dans une cour d’école… j’ai tellement envie… mais je le sais que c’est dégueulasse, pas normal… je me déshabille pi j’entre dans le bac. J’ai de l’eau jusqu’au nombril. L’eau est tiède, c’est doux sur mes fesses, ma queue… ça m’excite encore plus. La sirène se met à nager autour de moi… à me frôler avec ses pieds, ses nageoires, ses fesses… J’étends la main pour la caresser moi aussi… elle est vraiment douce tellement douce… ses fesses sont blanches, fermes… à deux mains, je prends la sirène par les hanches pi je l’emmène vers moi. Je la touche un peu, entre les cuisses… mes doigts rentrent pas… elle est vierge… osti que j’ai envie de la baiser… elle est placée en levrette, les fesses remontées. Elle se maintient en place avec ses nageoires. Elle rapproche son cul. Je prends mon pénis pi je le rentre dans son vagin. Ça résiste, j’y vais plus fort… je la tiens solidement par les hanches… pi là mon pénis au complet rentre, jusqu’aux testicules. L’eau rougit autour de nous, ça m’excite encore plus… je commence à me faire aller le bas-ventre… fuck ça fait du bien… pi là à un moment donné… la sirène se fait aller toute seule, avec ses nageoires… elle avance pi recule doucement… j’ai pas besoin de la toucher… les branchies s’ouvrent plus rapidement… sa bouche aussi… elle se met à aller plus vite… je sens que je vais venir bientôt… c’est bon… pi là juste comme j’arrive pour jouir, la sirène baisse sa tête de poisson. Ses nageoires se mettent à flipper. Les orteils se courbent… Je vois son anus se contracter… pi sa vulve se serrer tout d’un coup… pi là je viens… un gros orgasme, direct dans son vagin de vierge. En venant, je lui sers les hanches pi je la presse contre mon ventre, le pénis bien enfoncé. Pi là je lâche tout… je me retourne. Le gars me tend une coupe de champagne avec un gros sourire dans sa face.
– Un toast pour mon gendre !

Entre les bras des amants réunis, suivi de Contes de la nuit tombée, par Claude Bolduc

février 26, 2011

Éditeur : Vents d’ouest
Parution : 2010
Novela, Nouvelles
190 pages

J’avais ben aimé l’autre recueil de Bolduc, Les yeux troubles, facque j’avais hâte de lire celui-là, son dernier. La novela Entre les bras des amants réunis avait déjà été publiée dans L’Année de la science-fiction et du fantastique québécois 2000, en 2005. J’ai le recueil dans ma bilbiothèque depuis un boutte pi j’attendais le bon moment pour le lire. C’est faite :

« Une maison, c’est la sécurité. C’est aussi un signe de réussite, c’est même l’ultime refuge de qui cherche à s’isoler. Lorsque Jacques voit se présenter la chance de quitter son logement miteux et d’emménager dans une petites maison, SA maison, grande est sa confiance de laisser derrière lui la grisaille d’une vie ancienne.
Certes, la maison n’a rien d’un palace mais, déjà, il s’y sent bien. Bientôt s’estompent les mauvais souvenirs, remplacés par un bien-être qu’il ne se souvient pas d’avoir connu. Ici, tout est parfait. Curieux, tout de même, que les copains du vendredi semblent toujours s’inquiéter de l’état de Jacques. Il est si bien ici, avec son secret à lui, découvert au fond de la cave… Puisse la maison veiller sur lui longtemps encore, comme elle l’a si bien fait pour d’autres avant lui. »

Entre les bras des amants réunis

Facque c’est l’histoire de Jacques, en dépression depuis un an, qui s’achète une maison grâce à l’aide de son frère. Y sort enfin de son appart crade qui le rendait fou pi déprimé. Pour lui, c’est un recommencement, une chance de reprendre sa vie en main. Y décide d’arrêter de prendre les pilules que son docteur y avait prescrites – pas vraiment une bonne idée, en général. Anyway; ses amis Denis pi Jean-François viennent l’aider à déménager pi jouer leur classique game de Risk hebdomadaire en buvant de la bière belge. Le lendemain, Jacques découvre que la salle de bain est pas isolée par en-dessous, facque y décide de rénover la patente. En creusant dans la cave, y trouve une peau humaine.

« Cela n’avait aucun sens, c’était la chose lea plus impensable qu’il avait vue de toute sa vie, mais il semblait bien que ce fût un corps. Avisant un bout de planche par terre, il s’en empara et s’approcha de l’objet. Un corps. Une enveloppe de peau avec rien dedans. […] La forme sombre étendue près de lui, cette croûte sans âge et parchminée, vidée de tout par on ne sait quel procédé, avait été quelqu’un. »

J’ai été vraiment content de retrouver ce que j’amais aimé dans Les yeux troubles, c’est-à-dire les perversions sexuelles weird pi malaisantes. On devine assez facilement ce qui va se passer avec la peau, qui, d’ailleurs, est celle d’une femme. Hé oui, Jacques en tombe amoureux. Sauf que j’ai l’impression que ça arrive un peu trop vite, genre qu’on a pas le temps de bien comprendre comment Jacques sombre à ce point-là dans la folie. Autre affaire : j’ai pas trop aimé les moments où Jacques s’adresse à sa Belle; c’est trop explicite ou je sais pas. Je comprend que c’est une façon d’entrer dans la psychologie de Jacques, mais c’est un peu maladroit : « Tu vois, à toi, j’arrive à le dire et à l’expliquer, mais je n’y arrive avec personne d’autre. » On a quand même le droit, à la fin, à une vision grotesque pi délicieusement dégueuse :

« Jacques apparu subitement, tournoyant au rythme de la musique qui parvenait d’en haut, nu comme un ver, les yeux fermés, serrant tout contre son corps quelque chose de noir et luisant dont les excroissances flasques virevoltaient comme des guenilles autour de lui. Le sexe dressé de Jacques s’enfonçait dans la substance gluante, et sa dance frénétique répandait une odeur de décomposition dans la cave pendant que des lambeaux se détachaient de cette chose. »

Dans le genre tordu, on trouve pas mieux. Autre chose qui m’a plu : la dynamique entre Jacques pi ses amis. Même si des fois les dialogues sont pas excellents, en général, Bolduc a réussit à bien rendre la familiarité pi les interactions entre des vieux amis.
Mais j’ai eu un peu de misère avec certains aspects de l’écriture, tout particulièrement l’usage, selon moi abusif, des points d’interrogation pi d’exclamation. Mais bon, ça empêche pas d’apprécier quand même l’intrigue pi les personnages.
Quant à la fin, chu pas trop sûr. Elle a l’air bizarre, facque je pense qu’y faut plus chercher du côté symbolique pour l’expliquer.

Dès le début, on a un personnage malade qui prend des pilules pi qui décide d’arrêter. Ça ouvre déjà la porte à des dérapages qu niveau des perceptions de Jacques. Dans sa nouvelle maison, y fait son possible pour pas retomber dans son apathie d’avant. Sauf qui délaisse toute quand y trouve la peau, qui renvoit évidemment à son impression d’être un corps vide pi sans substance. Comme si y se reconnaissait dans cette peau-là, enterrée pi oubliée par tout le monde depuis trop longtemps. Le fait qu’y trouve la peau dans la cave est évocateur : la cave, c’est le passé, la plongée dans l’inconscient, dans les zones sombres de sa propre psychée – on a juste à se rappeller du roman gothique : dans la cave, on trouve des secrets qui sont cachés depuis longtemps. Tout le roman alterne entre Jacques qui devient de plus en plus fou pi sociopathe pi ses rencontres avec ses amis, qui sont là pour objectiver un peu le point de vue qu’on a de Jacques, parce que la narration en focalisation interne nous plonge dans sa tête à lui, faisant paraitre normal ce qu’y l’est pas pantoute – genre tripper sur une peau d’humain. Jacques fréquente de moins en moins le monde extérieur, même ses amis. Tout ce qu’y veut c’est être chez eux, donc dans sa tête, dans son délire. Son seul contact avec le monde extérieur, c’est la vieille madame, qui vient tuer ses amis quand y découvrent son sérieux problème mental. Comme si la vieille madame était une genre de garante de sa folie qui détruit la seule chance de Jacques de s’en sortir : ses amis. En les tuant, métaphoriquement ou pas, la madame vient enfoncer définitivement Jacques dans ses affabulations. Pi, à la fin, quand la madame dit à Jacques que la maison l’attendait pi qu’elle l’a adopté, pi que ses amis reviennent après la mort pour vivre avec lui, là, on doute pu que tout ça se passe dans sa tête. Au final, dire que la maison l’a adopté, c’est dire que Jacques a trouvé le lieu dans lequel il est bien; le problème, c’est que ça fait de lui un fou, un mésadapté social qui s’enferme dans ses délires. Certaines personnages sont juste pas faites pour vivre en société.

Les ténèbres

Nouvelle d’une page qui a le ton d’une convocation de démon. Quand même nice. Ça peut aussi servir d’entrée en matière pour le reste des nouvelles.

Le masque

L’histoire d’un gars qui passe ses nuits avec une gang de weirdos qui se livrent à des orgies pi des partys de toutes sortes. Le gars est obsédé par un certain Suchi, un gars qui semble porter un masque – on est pas sûr – pi qui suscite la confiance pi l’affection chez tout le monde. Sauf qu’on a jamais revu ceux avec qui y devient intime.
Écrite dans un style vague pi située dans une atmosphère bizarre, cette nouvelle-là constitue un traitement intéressant du theme de l’identité pi de l’altérité.

La traversée

Un gars remarque que presque tous les passants qui marchent dans la rue portent sur leur dos, sans s’en rendre compte, un genre de monstre.
Ça ressemble étrangement à un des Petits poèmes en prose de Baudelaire, tout particulièrement à Chacun sa chimère, avec une dernière phrase intéressante.

Le lendemain de veille

L’histoire tragique d’une vampire à qui on a prélevé les yeux à la morgue pour le don d’organe.
L’idée est bonne pi comique; le traitement est sérieux pi, en général, assez efficace.

L’œil de la lune

Envolée lyrique sur le mode de la complainte amoureuse qui finit abruptement.
C’est pas mal écrit, mais ça manque un peu d’intérêt, surtout la finale, qui semble un peu factice.

Il ne faut pas que je dorme

Les confidences d’un gars qui semble avoir la lourde responsabilité de guider les morts, qui, sans lui, ne saurait pas où aller.
C’est pas clair pi ça fait penser à The sixth sense, mais c’est ben écrit pi inquiétant.

L’horloge du grand Birimi

Un petit gars qui explore la cave d’un vieux monsieur. Y trouve une horloge grand-père supposément magique. Y entre dedans, pi y se rend compte que c’était vrai.
Une des moins bonnes du recueil. Trop convenue pi écrite sans grand enthousiasme, on dirait. Ça donne l’impression d’être là pour boucher un trou.

Dans la poubelle

L’histoire bizarre d’un gars qui se fait persécuter par sa poubelle, ou par quelque chose qui vit dedans.
Malgré le concept apparement grotesque pi risible, la nouvelle réussit à être angoissante. Une évocation étrange de la dépendance à l’alcool ou autre drogue ?

Un conte de whisky : hommage à Jean Ray

Un marin se rend dans un bar après un long séjour en mer. Le barman y sert un whisky au pouvoir étonnant.
Même si j’ai lu un peu de Jean Ray, je me sens pas assez connaisseur pour juger de la qualité du pastiche. Les thèmes me semblent corrects, mais pour l’écriture, je peux pas me prononcer.

Verdict

Recommandé. La novela est intéressante malgré ses défauts pi les nouvelles sont, pour la plupart, juste assez pas claires pour être intéressantes, chose que j’apprécie chez Bolduc.

L’autre Arielle – 3e partie

février 20, 2011

Récapitulons : après avoir tué la sirène, les deux gars se font pogner par un malade qui tue Tony avec un shotgun pi qui ramasse tous les oeufs qui trainent dans le cadavre de la sirène pour les ramener chez lui, avec le survivant attaché dans la boite de son pick-up.

L’autre Arielle – 3e partie

Je me réveille en sursaut, le soleil dans la face. Devant moi, tout en haut du mur de terre, une silhouette. Découpée dans le ciel bleu. Je plisse les yeux dans l’éclat du matin. Puis je me rappelle. À quelques mètres, Tony-cadavre, encore mort. Toujours pas de miracle.
– J’imagine que t’aimerais ça partir d’icitte, han?
– …
– Nonon, j’comprends. Mais pas tu suite. Y faut qu’tu t’rachètes avant. Betôt mais pas tu suite.
– Je… j’m’excuse…
– J’espère ostie! T’aimerais tu ça, moé, que j’tue ta blonde han!? Han!?
– Non…
– Bon. Tiens, un peu d’pain. Du café?
– …
– Tu veux tu du café?
– Ok.
– …
– …
– C’est quoi l’idée, aussi? Han?! Deux mongols qui trouvent une sirène pi y décident d’la tuer? C’est-tu cave ou quoi!? Ostie qu’vous êtes épais! T’as pas l’droit d’faire ça! T’as pas l’droit!
– …
– …
– …
– Bon m’en va en ville, t’as-tu besoin de que’que chose?
– … heu… des clopes?
– Ok. À plus tard.

J’ai faim. Du pain blanc, mou, qui colle dans ma bouche. Un instant, le goût de l’œuf me revient; souvenir échappé, éphémère. Le café trop concentré me fait grimacer. Me racheter, encore. Je sais pas ce que ça veut dire. Ça me stresse. Me racheter.
Une sirène. C’est ça qu’il a dit. J’ai tué une sirène. Sa blonde. C’est quoi cette histoire-là. J’arrive pas à comprendre. Le problème, c’est que c’est vraiment arrivé, pour vrai. La sirène, les têtards morts, Tony-cadavre, tout ça c’est vrai.
J’entends son pick-up s’éloigner. Les chants des oiseaux l’avalent tranquillement. Il faut que je m’en aille. J’inspecte mon trou sous la lumière du jour : comme hier. Rien. Un trou dans la terre, plus ou moins carré, le sol légèrement incliné. Les murs doivent faire au moins trois mètres au point le plus bas pi presque quatre au point le plus haut. Dedans, juste moi, Tony-cadavre pi quelques œufs avortés. J’essaye de grimper, mais la terre est trop dure. Peut-être creuser les murs pour empiler la terre. Non plus. Utiliser Tony-cadavre pour marche-pied?
– Inquiète-toé pas mon Tony, j’te pilerai pas d’ssus.
– …
– Ben dormi?
– …
– Moé ‘tou. Mal au dos, crisse.
– …
– T’as-tu une idée?
– …
– Ostie d’histoire man… ostie…

Je confirme que j’ai aucune chance de m’évader. Officiellement. J’ai passé le matin à essayer de trouver une façon de grimper. Mais je suis encore là. Rien à faire, il faut que j’attende l’autre fou. Que j’attende de me racheter, peu importe ce que ça implique. Au moins il a pas l’air parti pour me torturer. Ni me laisser crever de faim. Trois repas par jour, pas vraiment bons, mais des repas quand même. Des clopes quand j’en ai besoin. Mais il me laisse dans le trou. Le pire dans tout ça, c’est pas savoir jusqu’à quand il faut que j’endure ça. Si je pouvais compter le temps qu’il me reste, ça me donnerait un objectif, quelque chose à quoi je pourrais m’accrocher. J’attends je sais pas quoi. Ma supposée rédemption. Si je reste tranquille pi je fais comme il dit, il va se mettre en confiance, il va relâcher sa surveillance pi je vais pouvoir en profiter. Me pousser. Mais il va falloir que je sois sûr de mon coup, j’ai pas envie qu’y m’attrape. Là il serait fâché. Il a quand même tiré sur Tony. Il l’a tué, Tony. À bout portant. Ostie. Je veux m’en aller.
Je veux m’en aller.

Je sais pas si la police me cherche. S’ils quelqu’un a trouvé le char des parents à Tony au chalet, ou remarqué que le canot est plus là. Le pire, c’est que ça se peut que mes parents aient même pas encore parlé à la police. Ils doivent penser que je suis chez un ami pi que j’ai oublié d’appeler. Mais je pense pas. Je pense qu’ils s’inquiètent.
Même là. On est bien trop loin du chalet pour qu’ils me retrouvent. Ça a prit au moins deux heures avant qu’on arrive ici. On doit être au milieu du bois, dans le trou du cul du monde. Pi quand le gars va en ville acheter des affaires, ça lui prend un bon bout de temps avant de revenir. Ils me trouveront pas. Mon trou, mon bout du monde, mon horizon.

Au moins je suis pas tout seul. Tony est avec moi. Tony-cadavre, Tony-muet, mais Tony quand même. J’ai commencé à lui parler dès le début, sans me poser de question. Comme ça, pour parler. Meubler le silence, éviter de penser. Je le sais très bien qu’il me répondra pas, qu’il est mort, Tony. Mais d’une certaine façon, en lui parlant, c’est une façon de m’excuser. C’est pas Tony qui l’a tué, la sirène, c’est moi. Pi c’est Tony que le gars a tué. Alors je m’excuse en parlant à Tony, en lui tenant compagnie dans le fond du trou, dans la mort. Pour pas le laisser tout seul. Pi je pense que c’est bon pour moi, pour pas que je vire fou. Lui parler, ça rend tout ça moins pire, peut-être. Comme si j’étais pas tout seul dans cette marde-là.

Ma toilette, c’est au milieu de la pente, à côté du mur. Je peux m’accoter, pi le stock va couler loin de moi. Tony-cadavre, lui, a roulé tout au fond. Moi je me suis installé au bout le plus élevé du plancher de terre.
Ça pue, dans mon trou. Pas de douche, un cadavre pi une salle de bain en plein air. Mais je me suis habitué. Je sens plus rien. Juste trois jours avec un cadavre pi c’est déjà rendu normal. Encore, pendant de courts instants de lucidité, je perçois l’odeur nauséabonde, comme un flash. Puis je l’oublie. Là, en ce moment, je le sais que ça pue, mais ça me dérange pas.

L’azur me déprime. Depuis que je suis là, aucun nuage. L’infini se déploie sur ma tête. Je pense à tout ce que je pourrais faire à la place, si j’étais chez nous. Fumer des joints en jouant au freesby, chiller avec San pi tout le monde à la plage, n’importe quoi. N’importe quoi sauf ça, mon trou de quatre mètres carrés. Je me demande ce qu’ils font, les autres. J’aime penser qu’ils boivent de la bière en notre honneur, à moi pi Tony. Ça me rend triste. Je me rends triste tout seul. Il faut pas penser à ça. Monde parallèle, lointain, irréel. Estompé.

Les nuages, noirs et lourds. Pour la première fois depuis que je suis dans mon trou, il va pleuvoir. Ça se sent. L’air est épais, la chaleur collante. Ça me rappelle que j’ai pas pris de douche depuis un bon bout. Je regarde les nuages glisser lentement les uns sur les autres, sans bruit. Enflés, gonflés. Mais toujours rien. Dans mon trou, rien pour me protéger, rien à ma disposition. De la terre, un cadavre, mon linge. Ça fait pas beaucoup. Je sais pas ce que je vais faire quand il va commencer à pleuvoir. J’ai pas vraiment envie de passer la nuit à trembler dans un lit de bouette.
Tout-à-coup, j’ai peur de mourir noyé. L’eau va s’accumuler pi je vais mourir. À moins que l’eau qui monte m’aide à sortir d’ici.
Je fais le saut; quelque chose tombe à côté de moi. Un gros paquet noir.
– Tiens. Pour à soir.
– …
– … Y’annoncent d’la pluie. C’t’une tente. Tu peux pas dire j’pense pas à toé!
– Merci.
– Pi inquiète-toé pas pour l’eau, a va couler vers le fond pi la terre est ben poreuse.
– …
– C’est quoi ton nom?
– Jo.
– Enchanté, Jo. Moé c’est Michel.
– …
– Écoute, tu dois m’haïr pi toute, pi je comprends ça. Mais va pas penser qu’chu un fou, là.
– Nonon…
– Arrête moé ça, t’es trop téteux. J’ai rien contre toé, moé, mais faut tu comprennes une affaire : toé pi ton chum, ben vous avez tué ma blonde, ok, pi je peux pas laisser faire ça. Tu comprends? Tu penses tu que j’me fais du fun à t’garder demême chez nous? Ben non! Mais j’veux te garder à l’œil. Je l’sais qu’tu veux t’en aller. Mais j’veux qu’tu t’rachètes. D’ici un mois et demi, ça devrait marcher.
– Un mois et demi?
– T’es ben capable de patienter encore un peu. J’essaye de pas trop être méchant aik toé, ché pas si t’as r’marqué.
– Ouin… heu… merci…
– …
– Je… j’peux-tu vous d’mander que’que chose?
– Quoi?
– Ben… faudrait j’parle à mes parents, ou ben j’leur envoye un mail, juste pour dire que chu correct tsé, que j’va revenir dans deux mois… tsé j’peux inventer une histoire, je sais pas, un roadtrip, n’importe quoi… j’veux juste leur dire que j’vas ben. Pour pas qu’y s’inquiètent.
– T’es tu malade! On s’en crisse d’eux-aut’! Tchèque moé, j’ai pas besoin de personne pi chu content pareil. Moé chu ben icitte, j’ai pas envie d’aller ailleurs. J’ai tout ce que j’veux. J’avais tout ce que j’veux, avant toé pi l’autre cave v’niez faire les cons par icitte.
– Mais…
– Haa, arrête ostie! Un point c’est toute.
– …
– …

Hier, le gars est venu me réveiller. Il criait d’en-haut du trou qu’il fallait que je sorte. Il pleuvait plus, même si le ciel était toujours couvert, l’air toujours lourd. Juste la terre humide pi les arbres couverts de gouttelettes. Le gars m’a demandé si j’avais bien dormi, je comprenais pas pourquoi il me demandait ça. Ensuite il m’a donné un cigare pi du champagne. Il avait l’air de bonne humeur. Je lui ai demandé ce qu’on fêtait pi il m’a répondu que je verrais plus tard. On a allumé notre cigare pi le gars a commencé à parler. Il m’a posé des questions, demandé ce que je faisais dans la vie, des trucs comme ça. Moi je savais pas quoi répondre, j’avais pas vraiment envie de lui parler, au fou qui avait tué Tony. Il m’a dit qu’il s’excusait d’avoir tué Tony, qu’il avait pété les plombs. Il m’a aussi dit qu’il s’excusait mais qu’il avait besoin de moi. Je lui ai dit que c’était pas grave. J’avais pas le choix. Hypocrisie; légitime défense.
Pi là aujourd’hui, dans l’après-midi, le gars est venu s’installer à côté de mon trou pi il m’a donné une bière. Il a fumé une clope avec moi en me racontant qu’il avait frappé un chevreuil à matin en allant en ville pi que son pare-choc était fini. Ensuite il m’a souhaité bonne fin de journée pi il est reparti. Ça fait du bien, une bonne bière.
Dans le coin, Tony, un œil entrouvert. Enfoncé dans la boue jusqu’à la taille mais toujours en position assise, comme je l’ai mis la première journée.
– Le gars fait dire qu’y s’excuse.
– …
– Ouin.

L’autre Arielle – 2e partie

février 13, 2011

Dans l’épisode précédent : Rappelons-nous que nos deux amis, après un après-midi de pêche occupé à boire de la bière et fumer des joints, ont trouvé sur la rive du lac une étrange créature aux jambes de femme et au torse de poisson, qu’ils décâlissèrent à coup de rame sans hésiter.

L’autre Arielle – 2e partie

Accroupis derrière le feuillage, on tremblait. À quelques mètres, le canot blanc trop visible dans la lumière mourante. Sur le lac, le bateau s’approchait. On bougeait pas, respirait pas, réfléchissait pas. Nos cerveaux embourbés s’enfonçaient. La bière pi le pot s’étaient évaporés quand on avait tiré la chose hors de l’eau.

– Y a tu quelqu’un ?
– …
– Allo?
– …
– Allo?
– On fait quoi?
– On a juste à sortir, pi dire qu’on s’en allait.
– Pi si y s’approche?
– Yaurait pas de raison de s’approcher.
– …
– Voyons ostie…
– Vas-y!
– …
– Allo?… Quessé qu’vous faites su’ mon terrain ?
– Bonjour… heu… désolé on savait pas que c’tait votre terrain… on voulait juste…
– Nonon, c’est pas grave… vous auriez pas vu personne, juste demême?
– Han? Heu… non… non.
– Vous êtes ben sûrs, paske… quessé ça?
– Quoi?
– Quessé vous avez faite?
– Rien… rien!
– Tabarnac!

Le gars a sauté à l’eau, laissant son bateau sur le bord de la rive. Il marchait vers nous, l’air crispé. On disait rien, on essayait juste de pas le regarder. Cerveau enseveli. Il avançait en direction du monstre écrasé sur le sol. En le voyant, il s’est mis à courir.
À genoux dans les entrailles colorées, ses bras pendaient le long de son corps, sa tête se promenait à gauche, à droite. Ses épaules sautillaient. On l’entendait sangloter. Là, je me suis dit qu’il y avait un vrai problème, parce que c’était impossible que quelqu’un pleure à cause de ça. Personne de normal.
Lentement, il s’est levé, s’est retourné vers nous, les yeux gonflés, rougis. Visage dévasté.

– Quessé… ostie quessé vous avez faite? Ostie! Ostie! Vous êtes qui câlisse! Han? Vous faites quoi icitte? Tabarnac!
– On…
– Ta yeule toé crisse! Vos yeules ostie! J’en reviens pas…. Calvaire! Comment ça?
– On l’a trouvée dans…
– Vous l’avez tuée! Ostie que vous êtes caves! À quoi vous avez pensé? Ostie… je suis supposé faire quoi moé, astheure? Han?

Ses cris étaient repris à travers le lac, écho improbable. Nous, toujours immobiles. Il est retourné à son bateau, derrière les roseaux. Pendant une seconde, je me suis dit qu’il partait pi qu’on allait retourner chez nous. Mais il est revenu, une carabine à la main. Moi pi Tony, silencieux, glacés, incrédules. Il pouvait pas s’en servir, de sa carabine, il pouvait pas. Mais la chose qui gisait à quelques mètres de là affirmait le contraire. Logique amputée. Il faudrait parler, s’en sortir en parlant. La seule façon de s’en sortir. Parler. Avec le gars à la carabine, le gars dément, le gars devant nous.

– Monsieur…
– Nonononon, ta yeule.
– Mais…
– Ta yeule ta yeule ta yeule! TA YEULE!
– …
– Pourquoi vous avez faite ça? Han!?
– On pensait que… un cadavre, dans l’eau… on a eu peur…
– Ben oué… on a eu peur… ostie! Qui c’est qui l’a tuée?
– …
– Toé? C’est-tu toé?
– N… non… je…désolé…
– Ben oué.

Le coup a touché Tony dans le ventre. Projeté en arrière, il est retombé sur les galets de la rive. Surpris par le son, je me suis laissé tomber en petite boule à terre. J’y croyais pas.
Le soir grisâtre a fini par avaler complètement la déflagration. Le silence est revenu. Tony, tout plein de sang, étendu sur le dos. Ses jambes bougeaient comme celles du monstre, plus tôt, mouvements incontrôlés, incongrus. Dans ses yeux, je voyais qu’il comprenait pas, Tony, qu’il comprenait pas pourquoi il était couché par terre avec du sang partout pi son ventre dans ses mains. Ses yeux étaient grand ouverts, sa tête tournait, à gauche, à droite, il cherchait une explication, une parcelle de réalité. Le gars s’est approché pi lui a donné deux coups de crosse dans la face. C’était plus Tony, c’était une autre affaire qui trainait sur le bord du lac. Tony mort. Tony-cadavre.

– Hey!
– …
– Toé! Vient icitte. Vient icitte!
– …
– Toé, tu peux t’racheter. Aide-moé. Prends-y les bras. On va l’emmener là-bas.
– …
– Enwèye!

Je me suis levé, pas sûr d’où j’étais pi de ce que je foutais là. J’ai fait comme le gars m’a dit, sans réfléchir, je pouvais pas réfléchir. Plus ou moins clairement, je me disais que j’allais pouvoir rembobiner tout ça quand ça serait fini.
En me penchant pour prendre les bras de Tony-cadavre, je pouvais pas détourner le regard de sa face éclatée. Son œil droit, crevé, se perdait dans le fond de son orbite fracassée. Son nez était écrasé vers le bas, pendait, masse cartilagineuse pi ruisselante, dans la bouche édentée. Tony masqué. Le gars lui a pris les pieds, pi on l’a emmené à côté du monstre. Le gars a sorti un couteau de je sais pas où pi il a agrandi la plaie. Méthodiquement. Une fois Tony-cadavre bien éventré, le gars a commencé à couper. À vider. Un organe à la fois. Sur la rive, l’intérieur de Tony-cadavre se mélangeait à celui de la femme-poisson. Dix, quinze minutes. Debout, j’attendais. Je regardais, les yeux vides. Quand j’y repense, je me trouve trop con. Le gars avait lâché sa carabine, j’aurais pu lui voler, ou juste partir en courant, je sais pas, au moins faire quelque chose. Mais j’ai rien fait. Puis le gars s’est levé, a baissé la tête en regardant à terre. Il s’est accroupi, il a pris un petit globe dans sa main, il l’a tourné dans tous les sens, puis il l’a lancé à l’eau. Il en a pris un autre, il l’a tourné en tous les sens, pi il est allé le déposer doucement dans le ventre de Tony-cadavre.

– Viens m’aider toé!
– …
– C’est pas compliqué. Tu prends ceux qui bougent encore pi t’es mets dans son ventre. Ceux qui bougent pas, t’es laisses là. Enwèye.
– …
– Faut les garder au chaud tsé.
– …
– Tiens, je t’en donne un. Ça va être le tien.
– …
– Prends-le !
– …
– Bon, mets-le dans ta yeule, pi aide moé à apporter ton ami su’l bateau.
– Dans…
– Pour qui reste au chaud calvaire! Vous avez tué sa mère câlisse, tu y dois ben ça!

L’œuf dans ma main, chaud, humide. Un genre de petit têtard déformé gigotant doucement derrière la paroi translucide. Vivant. Un petit animal qui pouvait pas exister mais qui bougeait pour vrai. L’œuf dans ma main venait comme confirmer tout ce qui s’était passé depuis qu’on avait vu les jambes, moi pi Tony. Pi il fallait que je le mette dans ma bouche.
Je me rappelais celui que Tony avait crevé entre ses doigts. Œuf fragile. J’avais peur du goût que ça allait avoir, de la texture, peur qu’il crève dans ma bouche, peur que le gars me tue si l’œuf crevait dans ma bouche. Je voulais surtout pas que le têtard me touche, qu’il agonise en se débattant sur mes joues.
J’ai placé mes mains comme pour boire de l’eau d’un robinet pi j’ai fait rouler l’œuf doucement jusque sur ma langue. Un haut le cœur. J’ai fermé les lèvres. Un autre, un gros. J’ai fermé les yeux, respiré par le nez. Longues respirations, comme au cours de yoga. Ça goûtait acide, dégueulasse. La paroi qui retenait le liquide me semblait molle, ondulait sur ma langue, mon palais, mes joues. Œuf fragile. Je me disais qu’en obéissant, le gars allait me laisser partir. C’était certain. Faire ce qu’il voulait, pi partir. Chez moi, à la maison. Le gars a dit que je pouvais me racheter. Me racheter, ensuite partir. Cette idée-là m’a aidé à supporter le goût de l’œuf, à le garder dans ma bouche.
Après ça, on a emmené Tony-cadavre jusqu’au bateau. Le gars m’a attaché les mains pi il a parti le moteur. Couché à terre, je voyais juste le ciel, les étoiles. La lune. Le bateau allait vite, je le sentais, mais les étoiles restaient au même endroit. Toile profonde. J’avais aucune idée de l’endroit où on allait, comment j’aurais pu le savoir? Je savais même pas où il était le chalet de Tony pi je le sais toujours pas. J’étais perdu. Avec un fou, Tony-cadavre pi un œuf de femme-poisson dans ma bouche. En me concentrant sur ma respiration, je réussissait momentanément à oublier ce que j’avais dans la bouche. Ça durait quelques secondes, pi je revenais à l’œuf.
Deux heures plus tôt, tout allait bien. Moi pi Tony on buvait, on fumait, on se faisait du fun. Mais le pot était loin, vraiment loin. Fracture douloureuse.
Après un long moment, le bateau s’est immobilisé. Le gars m’a détaché pi on a pris Tony-cadavre. On l’a descendu sur un petit quai pi on l’a mis dans la boîte d’un pick-up. Tout ça délicatement, pour pas briser les œufs. Dans ma bouche, l’œuf. Encore là, toujours là. Je le sentais gigoter par moments, déformer sa mince pellicule avec son petit corps hybride. Comme une femme enceinte sent son enfant bouger. C’est à ça que j’ai pensé, je m’en rappelle, parce que ça m’a complètement dégoûté, cette image-là. Moi qui porte un être vivant dans mon corps. Le gars m’a rattaché les mains, encore, pi les pieds. Dans la boîte, avec Tony-cadavre.
Le gars conduisait doucement, lentement, pour pas malmener les œufs. Mais sur le chemin de terre, ça servait à rien. Couché sur le ventre, je devais lever la tête un peu pour pas accoter ma mâchoire sur le plancher de la boîte. Garder la tête dans les airs pour pas heurter ma face pi briser l’œuf. Les muscles de mon cou forçaient, tout mon corps tremblait. Dans ma bouche, l’œuf, œuf fragile. J’endurais la douleur pour pas le briser. Le gars m’avait dit de le garder, que ça allait être le mien. Si je le brisais, le gars serait fâché. Pas le briser. Juste avant que je sois à bout de force, j’ai comme réalisé que l’œuf était moins fragile que je pensais. Avec ma langue, j’ai testé sa texture, sa résistance. C’était mou, mais solide. Je devais faire attention quand même, mais j’ai tenté de déposer la tête. J’avais trop mal, j’étais plus capable. En tremblant, j’ai accoté ma joue sur le plancher, en maintenant l’œuf avec ma langue dans mon autre joue, pour l’amortir un peu. Une onde de chaleur a envahi mon cou, vague douce pi englobante qui s’est propagée dans tout mon corps. Fin de la douleur, respiration plus facile. Amer réconfort.
Le pick-up s’est arrêté longtemps après. Une heure, peut-être. Ou deux, je sais pas. Mais quand on est arrivé, il faisait noir. Complètement noir, une nuit de campagne. D’encre. Le gars est monté dans la boîte.

– Bon, tabarnac. Bravo ostie! Sont tout’ morts!
– …
– Montre-moi voir lui dans ta yeule. Ouvre.
– …
– Haaa, c’est ben beau ça, lui au moins y est vivant. C’est un signe ça! Le destin. Tu vas voir, tu vas l’aimer.
– …
– Bon en attendant, prends ton ami pi emmène-le en arrière.

Les membres libérés, la bouche enfin vide, Tony-cadavre dans mes bras, j’avançais pas vite. Tony avait toujours été plus grand pi plus lourd que moi. Les œufs morts dans son ventre m’écœuraient. Il y en a qui avaient éclatés, d’autres qui bougeaient plus. Une vingtaine de globes translucides avec un petit mutant à l’intérieur, mort.
Je marchais dans la nuit sans voir où j’allais. Le gars m’avait dit d’aller là-bas, là où il pointait. J’ai marché quelques secondes avant de recevoir un violent coup au dans le bas du dos; mon corps s’est cassé en deux pi je suis tombé vers l’avant. Mais j’ai pas touché le sol tout de suite. Je suis tombé pendant une fraction de seconde de trop. Je me suis écrasé au fond d’un trou, sur Tony-cadavre. J’ai senti les œufs crever sous mon poids pi un liquide imbiber mon chandail.
Autour de moi, la nuit, le noir. À genoux sur le sol mou, humide, boueux. Derrière le sombre horizon, encore les étoiles, la lune, au même endroit, immobiles. Une odeur de terre mouillée emplit l’air. La nuit était chaude.

Là, je suis dans un trou, un trou dans le sol. J’ai essayé de sauter; le bord est trop haut. J’ai tâté les parois. Quatre murs, un trou carré. Rien à faire. Attendre.
– Une ‘tite clope mon Tony?
– …

L’autre Arielle – 1re partie

février 6, 2011

J’ai écrit une nouvelle l’année passée pi je sais toujours pas quoi faire avec, elle est trop longue pour la plupart des revues pi d’un genre qui fitte pas tant avec les politiques éditoriales classiques. Facque j’ai décidé de la publier icitte, en 4 parties, une à chaque dimanche du mois de février. Si j’avais à décrire le ton en quelques mots, je dirais fantastico-trash-gore. Ou dequoi dans le genre.

L’autre Arielle

Je comprends pas. Depuis deux heures, je repasse l’après-midi dans ma tête, pour essayer de comprendre ce que je fais ici. J’ai beau essayer, j’arrive pas à agencer les évènements dans une trame logique. Je veux dire : je me rappelle très bien tout ce qui s’est passé – ça vient d’arriver – mais j’y crois toujours pas.

L’air stagnait lourdement, tellement humide qu’il flottait sur le lac. Aucun nuage, juste le ciel bleu qui rosissait à l’horizon. On voyait déjà la lune, toute pâle, au-dessus des arbres. Notre canot bougeait pas, immobile dans l’eau brune. Seul Johnny Cash donnait un peu de vie au décor silencieux. Sa voix grave imprimait des cercles concentriques sur la surface lisse du lac assoupi. Molle, tranquille fin d’après-midi.

– Hey ça veut dire quoi bâbord?
– …
– …
– C’est pas l’éléphant?
– Han?
– Ben oué, l’éléphant… tsé y’avait un suit vert. C’tait le roi des éléphants.
– Non, ostie, j’te parle pas de Babar l’éléphant… À bâbord.
– Heu… bâbord c’est à gauche pi tribord c’est à drette.
– T’es tu sûr?
– Ché pas.

Moi pi Tony, assis dans le canot. On finissait les dernières Bowes. Les autres gisaient dans leur carton mouillé, à côté des cannes à pêche qu’on avait pas touchées de l’après-midi; un prétexte, rien d’autre. On voulait juste relaxer, boire des bières, fumer des battes. Profiter du beau temps, pendant que ça durait. On avait passé l’après-midi à jaser pi écouter de la musique. À se faire du fun pi s’en foutre.

– Hey on s’fume l’autre batte pi on s’pousse?
– Han?
– Le batte?
– Ha! Ben sûr. J’étais dû, moi, là.
– On a pas pogné grand’chose han!
– Bah on s’en crisse, tsé. Fuck les poissons.
– Ouin… anyway j’aime crissement pas tant ça du poisson.
– Bah c‘est bon, tsé, d’temps en temps.
– …
– …
– Hey… tsé d’la poutine… y en a à plein de sorte astheure… y en a tu au poisson?
– Fuck man pourquoi on en ferait au poisson?
– Bah ché pas.
– Oublie ça. Ça goûterait l’calvaire.
– Ouin.
– T’imagines tu à quel point tu puerais d’la yeule après ça?

J’ai pris la dernière poffe, celle qui brûle les doigts, pi j’ai lancé le mégot dans le lac. Le signal du départ. On zigzagait laborieusement, à cause de la bière pi de notre incompétence dans le domaine du canotage. Je sais pas pour Tony, mais moi, j’étais pas mal buzzé. Ma rame s’enfonçait dans l’eau doucement; j’aurais pu pagayer encore longtemps, sans réfléchir. C’était agréable. Le lac avait l’air plus tranquille que jamais. De toute la journée, on avait vu personne. Même pas de vent. Juste l’humidité qui nous étouffait gentiment.

C’est ce moment-là que ça a dérapé. Une rupture dans notre journée parfaite, dans notre vie normale. Un petit moment, une seconde qui a tout changé. Comme l’instant où un oiseau s’écrase contre une fenêtre. C’est le vrai commencement de toute l’histoire.

– Yooo quessé ça?
– Han?
– Là-bas! Tchèque!
– Dequoi crisse!
– Ostie, sur le bord de l’eau, tu vois pas?
– Crisse pointe comme du monde!
– T’es-tu aveugle ostie! Non sérieux, juste là, dins quenouilles… tu vois-tu?
– J’pense. Mais pourquoi tu m’montres ça?
– Ben là câlisse c’est des jambes!
– Han? Dequoi tu parles?
– Des jambes ostie, tu l’sé c’est quoi.
– Man, t’as trop bu ou ché pas…

C’était vraiment des jambes. Toutes blanches. Des jambes qui dépassaient des herbes hautes. Comme si quelqu’un était tombé dans l’eau pi que ses pieds trainaient encore sur la rive. Un corps à moitié submergé. Elles bougeaient pas. On voyait l’eau brune pi des jambes blanches qui sortaient. On s’est rapproché; des jambes de femme. Des belles jambes, avec des petits mollets bien formés pi des pieds avec les ongles peints en rouge. Debouts dans le canot, on était silencieux, tendus.

– Man, c’est quoi câlisse?
– Ben… quèqu’un de mort. La tête dans l’eau pi toute.
– Mort?
– Ben là!
– Heu… on fait quoi? Appeler la police?
– Ben oui toé, appeler la police. Nonon, fuck off, on se pousse. Anyway j’ai pas envie de rester icitte plus longtemps, j’ai des affaires à faire à soir.
– Tu veux qu’on la laisse là?
– Ben oué. Au pire quelqu’un d’autre va tomber là-dessus.
– Pi si personne…
– Ha câlisse a rest’ra là, quessé tu veux ça m’fasse!
– Ben là… c’est pas un crime ou dequoi…
– Quoi?
– Ben… genre pas aider quelqu’un…
– Calvaire, on l’a pas vue, pi c’est toute. Tsé est ben cachée pareil.
– …
– Mais on peut ben aller voir pareil.
– Quoi?
– Aller voir pareil. Juste demême.
– Voir un cadavre?
– Ché pas… personne va nous voir.

On a tiré le canot sur le bord de l’eau. Les jambes immobiles juraient dans le soir qui tombait, tellement blanches qu’elles brillaient presque. On les regardait sans bouger, sans savoir quoi faire. La bière pi le pot ajoutaient à l’effet irréel, engluaient mes réflexions qui se limitaient à remarquer l’incongruité des jambes sur la rive. Dans le flou de l’ivresse, c’était des jambes, rien d’autre. Je constatais juste leur présence, sans comprendre leur signification. Ni un cadavre, ni une femme noyée, juste une paire de jambes sur le bord d’un lac. Comme un élément de décor au mauvais endroit. Pourtant, elles se fondaient dans le paysage. Tranquilles, immobiles, éternelles.
Le temps passait, l’horizon se rapprochait peu à peu.

– On la sort de d’là?
– …
– Pogne son pied.

Peut-être que c’était la bière, peut-être le silence qui planait sur le lac, peut-être l’étrangeté de la situation qui rendait le monde réel trop loin pour y penser; je sais pas pourquoi, mais je me suis dit qu’on allait la sortir de là. Lui prendre les jambes pi la tirer hors de l’eau.

La peau était gluante, couverte d’une couche de substance visqueuse. Glissante, comme la peau savonneuse dans la douche. Froide, aussi, pi toute molle : les doigts laissaient des marques aux endroits que j’avais touchés, sillons qui disparaissaient en quelques secondes. Quand j’y repense, je comprends pas comment j’ai pu faire ça sans être dégoûté. Je frissonne juste à y penser.
Une main sur la cheville, l’autre au-dessus du genou, notre prise était bonne. On a tiré trop fort; le corps est sorti d’un coup pi on est tombé sur le cul.
C’est là que les jambes se sont mises à bouger, que l’adrénaline a kické.

– Va chercher la rame! Enwèye ostie!

Une réaction d’auto-défense, rien d’autre. Les jambes battaient l’air comme si elles voulaient se libérer d’une étreinte menaçante. Blanches, laides. Vivantes. J’ai pris la rame pi je me suis approché. Plus rien existait, plus rien, juste l’affaire qu’on venait de tirer hors de l’eau.
Les jambes blanches continuaient à gigoter sur la rive, comme si elles pédalaient sur un vélo détraqué. Blanches, avec les ongles peints en rouge. Normales jusqu’aux hanches. Mais un peu au-dessus du pubis, la peau s’écaillait. Un peu au dessus du pubis, c’était plus une femme, ni même un humain. La peau luisante pi huileuse réfléchissait les derniers rayons de l’après-midi, je m’en rappelle, ça brillait. Sur les côtés, des fentes palpitantes s’ouvraient pi se refermaient en spasmes désespérés. Les nageoires faisaient un bruit mou en frappant les flancs mouillés. Le corps sautillait sur place, secoué de convulsions asphyxiées.
J’arrivais pas à comprendre ce que je voyais, à rationaliser ce que j’avais sous les yeux. J’ai levé la rame au-dessus de ma tête pi j’ai donné un grand coup de hache sur le corps écailleux. La rame a rebondi sur la peau luisante comme sur un ballon trop gonflé. Le deuxième coup a atteint l’œil, l’œil sans paupière, l’œil qui semblait me voir, qui m’observait. Le globe a éclaté sous le coup, répandant un liquide blanchâtre sur les écailles brunes. Je continuais à frapper dans la plaie, rougissant le bout de ma rame qui projetait du sang chaque fois que je la levais au-dessus de ma tête. Puis la rame a percé les écailles. Le sang a jailli de la peau crevassée. Un liquide d’un brun translucide a coulé de la gueule du poisson. Il continuait à bouger, moi je continuais à frapper.
Je m’acharnais sur le corps sans penser aux jambes qui se débattaient, ni à la chose que je frappais; je devais continuer. Trop bizarre, trop horrible. C’était incontrôlé, mes mouvements, ma réaction; instinct de survie. Mais la menace était pas physique, pas dangereuse pour ma vie. Elle l’était pour ma santé mentale, pour le monde dans lequel je vivais, pour ce que j’acceptais comme étant la réalité, la vérité.
Du sang noir pi épais s’écoulait des branchies; une matière jaunâtre sortait de l’œil crevé à chaque coup que je portais. De la compote de pommes, on aurait dit. La tête horrible avait arrêté de gigoter, les jambes aussi. Je tapais sur le corps mutilé, immobile pi crevé. Puis, le ventre s’est ouvert, j’ai senti la chaleur sur ma peau, comme un souffle : l’odeur était dégoûtante. Molle, piquante. Les tripes ont coulé sur la berge, jusqu’à mes pieds. Des dizaines de petits globes ont roulé dans tous les sens. En reculant, j’ai pilé sur je sais pas quoi pi je me suis retrouvé étendu dans la pâte visqueuse. Dans les entrailles d’un monstre, mes mains glissant dans un liquide gluant. Peau souillée. Peau collante.
Sur la berge, une femme-poisson en bouillie. Les jambes bougeaient plus, le haut du corps croupissait en silence sous la brunante. Pâte à modeler multicolore fondue au soleil. Silence pesant. Sur le sol, une multitude de petites boules grosses comme des balles de ping-pong. Tony en a pris une dans ses mains, il l’a crevée maladroitement entre ses doigts. Un réflexe, comme une brûlure. Le têtard s’est écrasé au sol, le pied de Tony par-dessus.

– Man… je…
– Tabarnac tabarnac… crisse… tabarnac!
– C’est… quoi ça ? C’est quoi? Jo, ostie, c’est quoi?!
– Man je l’sais tu moé, crisse! Mais y est mort…
– …
– Je… je l’ai tu tuée?
– Ça a l’air…
– T’as-tu vu toi itou? Man une… une tête de poisson… comment ça?
– Je l’sais pas dude… pourquoi je l’saurais?
– Mais… c’est quoi?
– C’est, genre… une sirène… backside.
– … Fuck.
– …
– …
– On fait quoi?
– On s’pousse. Live.

Le temps de retrouver les rames, de mettre le canot à l’eau, de calmer un peu notre cœur convulsant. Un bruit. Un moteur. Un bateau. De plus en plus près.

La suite : dimanche prochain, 13 février.

Le Bagman – Profession : Meurtrier

janvier 19, 2011

Réalisation : Jonathan Prévost, François Simard pi Anouk Whissell
Scénario : François Simard pi Anouk Whissell
Pays : Québec
Sortie : 2004

Le fameux court-métrage que RKSS veut tranformer en long-métrage mais qui se bute aux refus de financement de la SODEQ. Une genre de procrastination bizarre faisait que je l’avais toujours pas vu, mais j’ai pris les choses en main.

Facque l’histoire du short, en gros, c’est une fille qui se fait courir après par le Bagman, un slasher avec un sac de papier sur la tête qui vient te tuer si tu prononces son nom trois fois. La fille se fait frapper par un char rempli de gangsters/rappers/douchebags. Le Bagman se pointe pi tue tout le monde.

On va oublier le scénario, parce que y en a pas. Pi les seuls dialogues, c’est insultes. On oublier aussi le jeu des acteurs, parce que c’est du niveau d’un film de Cégep. C’est pas qu’y sont poches, c’est juste que c’est pas des acteurs. Évidemment, le film se prend pas au sérieux, surtout pas avec un nom comme Bagman. Les personnages sont des grosses caricatures qui font rire de façon inégale.

Mais le gore est malade. Pendant 20 minutes, le tueur tue plein de monde, de tout plein de façon pas possibles. Les effets spéciaux sont fucking ben faites pour une production pas de budget demême. C’est incroyablement inventif, tant au niveau de la conception matérielle des entrailles, organes pi autres humeurs, qu’au niveau de l’action, qui nous présente des façons inédites de faire du gore. C’est tellement mongol que ça fait rire, pi le plaisir des réalisateurs se sent à travers le film.

Verdict : Recommandé pour tous les fans de gore qui sont pas trop exigeants. C’est comique. Vous pouvez trouver le film au complet sur Youtube pi sur le site de RKSS.

Je vous laisse ici le trailer pour l’éventuel pi hypothétique long-métrage, qui a l’air beaucoup plus intéressant que le short :

Le fantastique même : une anthologie québécoise

janvier 10, 2011

Éditeur : L’instant même, sous la direction de Claude Grégoire
Parution : 1997
Nouvelles

Chu tombé sur ce livre-là par hasard en tchèquant la section Fantastique – que tout le monde semble confondre avec fucking Fantasy – à la librairie. C’est une anthologie qui réunit pas mal d’auteurs québécois. Je vous donne la liste : Jean-Paul Beaumier, Bertrand Bergeron, Roland Bourneuf, Hugues Corriveau, Michel Dufour, Danielle Dussault, Jean-Pierre Girard, Christiane Lahaie, Sylvie Massicotte, Claude Mathieu, Pierre Ouellet, Jean Pelchat, Gilles Pellerin pi Claude-Emmanuelle Yance.

« Si le fantastique et la nouvelle font bon ménage, c’est probablement que la brièveté de la nouvelle convient parfaitement à la stratégie par laquelle le récit fantastique piège le personnage. Claude Grégoire observe que depuis une dizaine d’années plusieurs des nouvellistes québécois les plus actifs ont ajouté leur voix dans le sillage de Kafka, certain d’entre eux offrant cependant, en contrepartie au piège, une évasion, un espace où le point de contact de l’irréel et du réel ne semble plus susciter de problème. Il nous présente ici ces auteurs qui vont et viennent aux confins de ce que l’on tient pour la réalité. »

Le recueil s’ouvre sur une courte introduction de Claude Grégoire dans laquelle il retrace les origines du fantastique au québec et explique les différences entre le fantastique canonique (« classique dans son respect de la dialectique conflictuelle du réel et de l’irréel ») et le néo-fantastique (« davantage tributaire du réalisme magique, sans qu’il s’agisse de récits merveilleux »).

Le fantastique est donc pas utilisé ici comme synonyme de « horreur »; c’est, au-delà de l’ambiguité de Todorov, la rencontre de notre réalité avec quelque chose qu’on ne connait pas. Pas de vampires, ni de zombies; on nage en plein mystère pi le fantastique s’incarne dans une étrangeté polymorphe mais commune à toutes les nouvelles. En résumé : ça plaira pas aux fans de Stephen King. C’est subtil, en douceur pi implicite.

Si les nouvelles sont toutes différentes, y a quand même un élément commun : le style. C’est jamais une écriture neutre ou platte. Chaque auteur a un style intéressant qui se rapproche parfois du poème en prose. Certaines nouvelles sont tellement dans l’abstrait pi privées de référent clair que j’ai vraiment pas embarqué. Le style est trop dense pi y a pas – ou presque – de récit. Exemple :

« Je m’étais levé avant l’aube. Il fallait – pour que ça se passe – que le regard précède de quelques heures ce qu’il voit, peut voir. L’obscurité se dissiperait avant le dernier rêve éveillé : illuminant le regard de cette dissipation où il fera place à toutes les illusions du jour. »

C’est ben écrit pi toute, mais ça se lit mal, parce qu’y pas de narration. Pi ce que je voulais lire, en achetant ce livre-là, c’est pas de la poésie. J’ose même dire – Sacrilège ! – que l’image d’un homme à lunettes rondes se crossant le cerveau m’est venue en tête à quelques reprises. Beaucoup de flafla, mais pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mais ça, c’est dans les pires des cas. Sans rancune, ok ?

En général, les nouvelles posent un problème logique dans notre monde matériel. Des genres d’altération de la réalité viennent troubler le personnage qui doit confronter sa vision du monde réel avec ce qu’y a sous les yeux. J’ai ben aimé les textes de Bertrand Bergeron :

« Les voitures et les routes, si on les emprunte régulièrement, on finit par ne plus savoir. Comme le hasard peut-être, en certaines occasions, ce hasard auquel on arrive à ne plus croire, il n’existerait pas ou bien cette route, on en connaitrait chaque courbe, on saurait à quelle vitesse on comment s’adresser à Gérard le patron du motel, plus qu’une centaine de kilomètres à présent, à moins qu’on ne prenne la route du nord, un crochet vers la maison de madame Claude qui dirait comment allez-vous la route ne vous a pas trop fatigué ici il y a du nouveau mais vous avez les traits tirés une de mes filles la petite elle est nouvelle vous ne le regretterez pas mais occupe-toi de monsieur, voyons. »

Le fantastique même appartient à une branche fantastique plus cérébrale, universitaire, institutionnelle que ce qu’on a l’habitude de lire, surtout chez les auteurs américains. C’est intéressant de voir les déclinaisons légitimées du fantastique, qui reste quand même un genre méprisé de la « Grande Littérature ».

Verdict : Recommandé, pour ceux qui veulent savoir à quoi ressemble le fantastique « littéraire » au québec. Le corpus propose des écritures intéressantes pi originales mais méconnues.