Cérémonial nocturne, par Thomas Owen

Parution : 1966 chez Marabout

Marabout avait le don de trouver des covers vendeurs. Mais depuis quelques années, les couvertures sont rendues laites. Tchèquez celle de mon édition de Cérémonial Nocturne :

Ça donne pas envie de le lire pantoute. Si j’avais pas connu le nom de Owen, je l’aurais jamais acheté. Même qu’à la caisse, j’ai eu peur que le vendeur me prenne pour un retard. Mais c’est pas grave.

Bon. Thomas Owen, c’est un pseudonyme. Son vrai nom, on s’en crisse, mais faut pas se laisser avoir : il est belge, pas anglais. Comme Jean Ray. Anyway, Owen, c’est un peu le succèsseur de Ray, ou au moins un disciple. Il est considéré comme un master de la nouvelle fantastique, surtout pour ses punchs malades à la fin.

« La bonne sœur de garde s’effaça et le franciscain entra le premier déclenchant aussitôt un torrent d’injures et de vociférations.
La vieille femme maigre, hideuse, échevelée, se découvrait ignominieusement, déchirait ses draps comme s’ils eussent été en papier buvard, bondissait dans son lit qui craquait comme sous l’assaut de deux ou trois sauvages déchaînés! »

Cérémonial nocturne, c’est un recueil de 17 nouvelles de qualité inégale. Des fois, à la fin des nouvelles, je me disais Ouin pi?, d’autres fois Ark c’est dont ben poche ou ben Nice ou encore Fuck j’en ai manqué un boutte moé. Il y en a des sérieuses, des plus légères, une qui est supposée être vraie pi qui met en scène un Jean Ray napoléonisé, une autre qui tient de la fantasy. Les approches sont nombreuses, mais la construction est la même : la nouvelle a rien de si terrifiant que ça, tout a l’air plus ou moins normal jusqu’au dernier paragraphe, qui remet tout le reste en doute. Le lecteur doit compléter lui-même ce que la nouvelle dit pas, chose qui est bien parce que Owen nous prend pas pour des cons. Des fois c’est cool, mais des fois ça laisse froid parce que le punch est juste pas bon. Par exemple, un gars embarque une pouceuse sur l’autoroute pi la dépose à Bruxelles. Ils jasent pi le gars apprend qu’elle fait des manucures. Mais elle oublie sa valise dans son char, pi quand le gars l’ouvre, il trouve plein de mains coupées. C’est à ce moment-là que je me suis dit Ouin pi? Celle-là je l’ai pas aimée. Mais d’autres fois, ça marche ben pi les derniers mots nous forcent à reconsidérer la nouvelle au complet.
Les nouvelles que j’ai préféré sont La fille de la pluie pi La soirée du baron Swenbeck. Dans ces deux-là, le punch marche ben pi laisse le lecteur juste assez dans le flou pour qu’il doive réfléchir un peu. C’est bien emmené, bien construit pi définitivement bizarre. Le reste des nouvelles m’a laissé indifférent, pi même que je me suis fâché une couple de fois parce que je trouvais ça poche. Je me suis demandé pourquoi il avait écrit ça, parce que j’avais absolument rien ressenti en le lisant. Pas de peur, pas de malaise, pas de curiosité, rien. Juste platte.
J’ai eu des petits problèmes aussi avec le style. Loin d’être aussi travaillée que celui de Ray ou De Ghelderode, l’écriture de Owen m’a dérangée une couple de fois. Souvent, la littérature fantastique est rédigée dans un style mettons neutre, sans rien de trop original : on raconte une histoire, c’est toute. Pi ça peut être bon demême. Mais quand on accroche sur certains passages, ça fait chier. C’est pas la fin du monde, en général c’est fluide pi toute, y a des beaux passages, des belles images, mais des fois on sent que c’est plus difficile, plus rough. Par exemple, dans La soirée du baron Swenbeck, on dirait que l’auteur est pas sûr si ce qu’il veut dire est clair facque il se répète trop :

« J’attaquai la corde à mi-hauteur, entre la poutre et le nœud coulant. La lame était bien aiguisée et la corde bien tendue, car je n’eus pas à m’y reprendre. On aurait vraiment dit que le poids d’un corps invisible exerçait sa traction. Comment aurais-je pu sectionner ainsi, ce lien, gros d’un bon doigt, s’il n’avait fait que se balancer mollement dans le vide? Et, dans le même instant, le morceau tranché – le nœud coulant vide – tombait au sol avec un drôle de bruit, sec et dur d’abord, puis affreusement mou.
On aurait dit le choc de talons sur le parquet, suivi de l’affaissement d’un corps sur lui-même. »

Mais je sais que c’est pas le livre le plus connu de Owen, facque c’est peut-être pas représentatif de son œuvre. Moi je serais prêt à y laisser une autre chance, peut-être avec La cave aux crapauds. Le titre m’inspire, ça me rappelle une histoire de Bob Morane impliquant une secte de crapaux extra-terrestres. Si ma mémoire est bonne.

« Lamie s’immobilisa enfin devant une porte close. Son visage avait changé. Toute la roseur de la promenade en avait disparu. Ce masque blême, tendu était envahi d’une extase mauvaise. S’y mêlait, autour des yeux d’une fixité terrible, l’horreur et l’orgueil.
Doppelganger crut qu’elle allait se mettre à hurler ou à rire comme une démente. Mais Lamie ne put que murmurer :
– C’est là! »

Verdict : je dirais que ça vaut pas la peine de lire Cérémonial nocturne. Peut-être un autre de Owen, mais pas lui. C’est pas particulièrement poche, c’est juste que c’est vide, un peu. Ça laisse de marbre.

2 Réponses to “Cérémonial nocturne, par Thomas Owen”


Laisser un commentaire