Légendes du vieux manoir, par Daniel Sernine

Éditeur : Presses Sélect Ltée
Parution : 1979
149 pages

Je cherchais du fantastique québécois, facque chu allé voir sur le blogue de Frédérick Raymond, où y a une belle liste de titres pi d’auteurs. C’est là que j’ai trouvé Daniel Sernine. Facque chu allé le chercher à bibliothèque. Pi je l’ai lu.

On dirait qu’en 1979, les 4e de couverture ça existait pas, facque j’ai pas de résumé pour vous. Anyway, c’est un recueil de nouvelles. Je va y aller nouvelle par nouvelle pi ensuite en général. Pour que ça soit ben structuré pi toute.

Le sorcier d’Aïtétivché : ça se passe en Nouvelle-France en 1647. Une gang de colons qui défrichent depuis une couple d’années un lot pour leur seigneur le soupçonnent d’être un sorcier pi d’avoir enlevé leurs enfants. C’est là que Jean-Lou le coureur des bois se pointe, pour accomplir une mission confiée par son grand-papa sorcier lui itou. Faut qu’y aille tuer le méchant seigneur avant qu’y invoque Manitaba, l’esprit du mal. Ça fini dans un sale carnage.
J’ai pas trippé sur l’idée d’un gars qui a une quête pi une destinée à accomplir, surtout pas qu’y faut qu’y tue le mal avec une épée au nom bizarre. Ça versait un peu trop dans la fantasy à mon goût. Mais c’est pas trop téteux pi quan même assez bad.

Les ruines de Tirnewidd : le narrateur raconte comment son père a trouvé les ruines pi le dernier descendant d’une gang d’irlandais qui s’étaient installés en Amérique au 9e siècle. C’est pas très crédible comme idée, mais bon. Y a aussi une histoire de malédiction vu que le papa a profané l’ancienne cité gaélique.
C’est pas ma préférée. Ça frôle le fantastique à la fin mais c’est pas le yable.

Nocturne : ça commence comme un récit un peu surréaliste pi peut-être kafkaïen (ben oui). Après quelques pages, le narrateur se réveille pi c’était un rêve. Mais la nouvelle fini pas là. Le narrateur apprend que son ancien élève de piano (genre d’enfant prodige à la André Mathieu) est mort. Y va rendre visite à la famille pi y se rend compte que le génie mort prend possession du corps de son frère pour composer des tounes malades. Y a une scéance de spiritisme pi le narrateur fini par se pousser en courant.
J’ai aimé celle-là. Rien de compliqué ni de trop big (genre l’invocation d’un démon). C’est modeste, sobre, pi efficace, en plus d’être ben écrit. J’ai surtout aimé le rêve pi l’histoire qui continue après le réveil.

L’exhumation : trois criminels vont déterrer un cadavre dans un cimetière pour effacer les preuves de leur crime. Finalement ça se passe pas comme prévu.
Cella-là m’a laissé un peu frette. Y manquait un petit quèque chose.

Belpheron : dans une taverne, un vieux marin raconte au narrateur l’histoire du naufrage du navire l’Atlante (prédestiné, avec un nom demême). Après qu’un gars bizarre se soit embarqué, les marins entendent des voix dans sa chambre. Y se rendent compte que le gars essaye probablement d’invoquer un démon pi juste avant qu’y se poussent dans les canots y a une huge tempête qui nique tout le monde sauf le vieux marin-narrateur.
Rien de ben spécial dans cette histoire-là, mais je l’ai ben aimée. C’est peut-être parce que ça se passe sur un bateau pi que l’atmosphère est ben construite. Le passage du naufrage est réussi. Les dernières lignes aussi :

« Ne t’en fait pas. Si un jour tu écris cette histoire, tes lecteurs, eux, comprendront bien ce qui a englouti l’Atlante… »

La bouteille : un gars devient de plus en plus obsédé par une bouteille qui contient une substance étrange pi lumineuse. Y se met aussi par avoir des visions qui finissent par toutes se réaliser. Pi ça vire mal.
Ça fait penser à du Poe. C’est un peu prévisible mais quan même agréable.

Le réveil d’Abaldurth : plus ou moins la même chose que la première nouvelle. Deux gars membres d’une confrérie anti-démoniaques s’infiltrent dans un manoir pour interrompre un rituel d’invocation du démon Abaldurth. Y réussissent.
Trop action, pas assez fantastique.

Tu seras le septième : un prêtre qui s’intéresse aux sciences occultes trouve un médaillon sur une scène de meurtre. Y le prend pi devient obsédé pi parano. Y fini par comprendre que le médaillon est genre possédé par un démon qui le pousse à faire des meurtres. Le vieux prêtre réussi à réunir assez de volonter pour tuer le démon en se sacrifiant.
Malgré le manque d’originalité, ça se lit ben pi c’est agréable.

Bon. J’ai l’air de chialer pas mal sur toutes les nouvelles mais chu loin d’avoir haït ça.
Sernine écrit ben. Son style est classique : clair pi précis. Pas trop de figures de style, juste l’essentiel. Ses phrases sont ben construites pi toute :

« S’il y avait eu quelqu’un à cette heure de la nuit, sous la pluie, dans le petit parc en face de la résidence des Cilisquins et de la cathédrale, ce noctambule aurait sans doute remarqué quelque chose d’inusité dans la tourelle carrée se dressant à l’angle ouest de la façade du monastère. À une fenêtre qui avait été éclairée toute la nuit par la lueur des chandelles, il aurait soudain vu flamboyer une lumière bleutée qui, virant rapidement au blanc et gagnant de l’intensité, illumina brièvement la chambre au sommet de la tour. En passant par le vert, l’éclairage baissa aussi vite qu’il avait crû, et l’ombre regagna aussitôt les murs éclairés un instant. »

J’ai ben aimé aussi son gore; y a pas de retenue. Dans les rituels, y a des animaux sacrifiés en masse, pi même des enfants. Le monde meurt à tour de bras pi toute ça c’est ben décrit. Particulièrement ici :

« Sentant que s’était éveillée la puissance maléfique du démon, Jussiave frappa un coup terrible en diagonale, et Arhapal, l’épée antique, flamboya en tranchant l’abdomen de la sorcière, où s’agitait le fœtus possédé. Le corps presque sectionné en deux, Atropa s’effondra dans un flot de sang et de liquie amniotique, qui inonda le tapis. Il y eut un grand vent dans le salon, comme le souffle d’une explosion, et sous la bourrasque les fenêtres éclatèrent vers l’extérieur, tandis que hurlaient Isangma et Davard. »

C’est cool aussi que ses histoires se passent à toutes les époques de l’histoire du Québec. Ce qui unit les nouvelles ensemble c’est des lieux fictifs qui reviennent dans chaque histoire : les villes fictives de Neubourg pi de Granverger. Comme la Arkham de Lovecraft ou le Innstown de Reynolds. Ça permet d’introduire un climat d’étrangeté qui imprègne les lieux des récits. Comme si à cette place-là, tout est possible.

Ce que j’ai moins aimé, c’est qu’y a pas beaucoup de place à l’interprétation. Les nouvelles sont pas ambigues : les méchants veulent invoquer un démon, y réussissent pas, pi that’s it. On se pose pas de question à la fin.

Verdict : recommandé pour se divertir un peu avec une lecture facile pi agréable. C’est rien d’incroyable mais c’est ben écrit. Je va lire Les contes de l’ombre, un jour.

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