Le roi au masque d’or, par Marcel Schwob

Publication : 1892

Marcel Schwob, c’est un auteur français de la fin du XIXe siècle. Pi Le roi au masque d’or, c’est un recueil de 21 contes ou nouvelles plus ou moins fantastiques.

« Tout à coup, sans que personne en sût la cause, les vierges de Milet commencèrent à se pendre. Ce fut comme une épidémie morale. En poussant les portes des gynécés, on heurtait les pieds encore frémissants d’un corps blanc suspendu aux poutres. On était surpris par un soupir rauque et par un tintement de bagues, de bracelets et d’anneaux de cheville qui roulaient à terre. La gorge des pendues se soulevait comme les ailes palpitantes d’un oiseau qu’on étouffe. Les yeux semblaient plein de résignation, plutôt que d’horreur. »

Je sais pas pour vous, mais comme incipit, c’est paspire pantoute.
Le recueil est construit assez bizarrement. On dirait que plus on avance, moins c’est fantastique. Au début, les nouvelles parlent de mondes apocalyptiques, ensuite elles passent à un style près de celui de Poe, ensuite à des atmosphères sombres mais réelles, pi enfin à des nouvelles aucunement fantastiques. Certaines se déroulent dans un temps mythique qui existe pas vraiment, d’autres dans un passé médiéval, d’autres au XIXe siècle. Exemples :
L’histoire d’un roi masqué qui a jamais vu son visage pi qui découvre qu’y est lépreux; l’histoire d‘un gars dont le frère se fait tuer par des embaumeuses lybiennes; l‘histoire de sorcières flamandes pi d’un bouc; l’histoire d’un navire qui arrive dans une cité immobile; l’histoire d’un vieil homme qui meurt quand sa flûte est jetée à la mer, blablabla.
Y en a des plattes, y en a des bonnes. Mais tout le long du recueil, de style de Schwob reste impeccable. C’est fucking ben écrit. Je dois dire qu’aucune des nouvelles m’a vraiment fait tripper; c’est vraiment l’écriture qui, pour moi, fait la qualité de ce recueil-là.
Dès les premières nouvelles, on remarque que l’auteur est câlissement bon pour décrire des mondes post-apocalyptiques, réels ou imaginaires. Ses descriptions sont pas loin du poème en prose pi produisent crissement une atmosphère :

« Car une extraordinaire chute d’aérolithes devint visible et la nuit fut rayée par des traits fulgurants; les étoiles flamboyèrent comme des torches, et les nuages furent les messagers du feu et la lune un brasier rouge vomissant des projectiles multicolores. Toutes choses furent pénétrées par une lumière blafarde, qui éclaira les derniers réduits, et dont l’éblouissement, bien que tamisé, donna une prodigieuse douleur. Puis la nuit qui s’était ouverte, se referma. De tous les volcans jaillirent des colonnes de cendre vers le ciel, semblables à des volutes de basalte noir, piliers d’un monde supra-terrestre. Il y eu une pluie de poussière sombre en sens inverse, et un nuage émané de la terre, qui couvrit la terre.
Ainsi se passa la nuit et l’aurore fut invisible. »

La dernière phrase est juste parfaite. Big up, Marcel.
Facque les descriptions, en plus d’être malades, sont écrites sur un ton presque biblique, ancien testament style, ou je sais pas, qui donne encore plus de magnificence à ce qui est décrit.
La description joue un rôle super important dans toutes les nouvelles; ça commence avec une description, qui donne le ton au récit. Ensuite, les personnages arrivent pi des affaires se passent. Mais sans la description, ça serait pas pareil. C’est elle qui fait le gros de la job. Certaines nouvelles se rattachent au genre fantastique juste par l’atmosphère qu’elles dégagent :

«La charrette tressautait et l’homme n’entendait plus les sons aigres des grelots. Le cheval fuyait parallèlement aux nuages. Il y avait de longs peupliers gris qui trempaient dans des prairies à demi inondées, vaguement miroitantes. Les têtes des chênes mutilés avaient poussé des rameaux écarquillés comme les doigts surjetés d’un homme qui se noie. Les bouleaux semblaient nus, avec des meurtissures blanches. D’étroites bandes herbues frissonnaient et portaient à l’extrémité un bouquet de roseaux tremblants. »

Dans cette nouvelle-là, y a rien de surnaturel. C’est juste deux gars qui ont tué un vieux couple pour leur argent. Ça serait pas du fantastique si y avait pas cette atmosphère lugubre-là, avec la nature inquiétante qui rappelle la mort partout autour.
Le fantastique, dans Le roi au masque d’or, c’est pas des vampires ni des fantômes; c’est une accumulation de faits qui ont une conclusion bizarre, inexpliquée pi inexplicable.

Verdict : à lire pour ceux qui veulent apprécier le style de Schwob. L’intéressant, dans ce recueil-là, c’est pas le fond, le contenu. C’est la forme, la façon dont les histoires sont racontées plus que les histoires elles-mêmes (même si y en a des bonnes).

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