La mémoire du lac, par Joël Champetier


Parution : 1994, révisé en 2001
274 pages

Quand j’ai acheté ce livre-là, je m’attendais à rien. J’avais jamais entendu parler de l’auteur pi le cover du livre me rebutait en ostie. Mais je me suis dis que j’allais lire du fantastique québécois, facque je l’ai essayé, malgré la 4e de couverture plus ou moins tentante :

« Ville-Marie, petite ville sur les bords du lac Témiscamingue. Parmi la population, Daniel Verrier, que tous connaissent parce qu’il vient de perdre ses deux enfants en bas âge, morts par noyade.
Miné par le remord – il est en partie responsable de la mort de ses enfants -, délaissé par sa femme et aux prises avec de graves problèmes psychologiques, dont le moindre n’est pas une amnésie partielle, Verrier sombre lentement dans la folie.
Mais est-ce bien la folie ou s’agit-il… d’autre chose? Pourquoi le demeurré de la ville, Éric «La Poche» Massicotte, le poursuit-il sas relâche de son message sybillin : Daniel, le lac attend? Et quel rapport y a-t-il entre ses malheurs et le charnier découvert dans le manoir Bowman, où d’étrange rites amérindiens semblent avoir été utilisés?
Les réponses sont peut-être enfouies dans la mémoire déficiente de Verrier… ou au plus profond du lac Témiscamingue! »

Ok. Y est pas bon, ce résumé-là. Ça m’a pas donné envie de le lire. Quoique les rituels amérindiens m’ont convaincu de l’acheter. En tout cas. Faut pas se fier à la 4e de couverture, parce que c’est bon, La mémoire du lac.

Ce que j’ai aimé, direct en commençant la lecture, c’est le ton du narrateur-personnage. C’est Daniel qui raconte son histoire, après que ça soit arrivé. Facque en gros, toute la permière partie (y en a trois), on apprend à le connaître. Pi c’est pas un personnage téteux pi stéréotypé. C’est juste un être humain. Y s’engueule avec sa femme pi il est loin d’être parfait :

« Pendant ce temps, Sébastien, l’air d’un lutin avec sa tuque rouge, s’était approché du rebord glacé du quai. Nadia s’était inquiétée, comme d’habitude :
– Surveille-le, Daniel. Il va tomber.
– Laisse-le donc tranquille cinq minutes. Il est quand même pas assez niaiseux pour se jeter en bas. »

C’est pas le classique papa américain dévoué à sa famille. Facque y les emmène en pick-up sur le lac gelé pour faire des dérapages malgré l’interdiction de sa femme. La glace pète, les deux enfents meurent. Sa femme le laisse, pi y lui reste juste la psychologue pour s’occuper de lui. Là, il commence à pas trop feeler; il fait des cauchemards, hallucine un bébé qui parle pi son chat se fait couper la queue par Massicotte mais les polices pensent que c’est Daniel qui l’a fait parce qu’il est rendu trop fucké. Mais toute ça c’est ben amené. On a le point de vue de Daniel pi on est de son côté mais en même temps, si on voit ça d’un point de vu extérieur, y a l’air d’un ostie de fou, Daniel.

Dans la 2e partie, c’est là que l’intrigue se noue. Daniel rencontre une fille, Josée, qui le fait feeler mieux. Leur amour est un peu trop parfait à mon goût, comme la fille. C’est moins réaliste que le reste, mettons. En même temps, y a un indencie dans le vieux manoir isolé pi abandonné depuis un boutte. Daniel (c’est un pompier-volontaire, j’ai oublié de le mentionner) trouve dans la cave 6 cadavres d’enfants pi des affaires de sorcellerie. La police se pointe pi y a une enquête. Deux jours après, la police arrive chez Daniel pour y demander de l’aide parce qu’y sait lire l’algonquien pi qu’y s’y connait un peu en magie. Ça aussi, je suis pas sûr que ça soit ben ben réaliste, mais en tout cas, la police a besoin de lui pour traduire un carnet trouvé dans le manoir. J’va arrêter icitte, parce que là j’en dit déjà trop.

L’intrigue est intéressante. J’avais envie de savoir ce qui allait arriver pi je voulais pas arrêter de lire. C’est peut-être juste parce que les histoires de sorcellerie amérindiene, j’aime ben ça. Mais non, l’intrigue est le fun. Vers la fin, y a un revirement de situation surprenant vers en même temps un peu gros. Mais rien de ben dérangeant, c’est juste un peu tiré par les cheveux. La conclusion est assez rapide, aussi, mais quand même intéressante pi pas niaiseuse. Ça fini pas tant bien. On peut croire que tout ça c’est vrai ou ben que c’était juste un gros délire parano de la part du narrateur. Pi on saura jamais c’est lequel. Je penche du côté du délire. J’aime ça ces fins-là.
Pour le style, je dirais que c’est un peu plus travaillé pi, mettons, poétique que du Sénécal. L’auteur utilise aussi des sacres pi du pur québécois dans la narration elle-même, pas juste dans les dialogues. Chu crissement d’accord avec ça, moi. Faut pas se gêner, c’est notre langue. En plus, son ton désabusé pi un peu cynique m’a fait rire une couple de fois :

(En parlant à son chat)
« J’te le dis, Wilfrid, dans l’histoire de l’humanité, l’alcoolisme est la norme bien plus que l’inverse. Au Moyen-Âge, il fallait être crissement pauvre pour se contenter d’eau. […] Pour les prisonniers des croisades – les Chrétiens – la pire conséquence de leur emprisonnement par les Sarrasins a été l’absence de vin… Hé, y buvaient ça tous les jours depuis qu’ils avaient douze ans! C’était toute une bande de crisse d’alcooliques! »

Mais au-delà du style, ce que j’ai préféré dans La mémoire du lac, c’est ce qui est évoqué pi décrit. Y beaucoup de réalisme, de vie quotidienne pi, je dirais, d’humanité dans ce roman-là. Des petites détails qui sont juste ben trop vrais. Exemple : le narrateur parle de comment c’est chiant quand la charrue bloque ton entrée de cours avec de la neige. Ici, Daniel pi Josée son au resto mais ils se connaissent pas vraiment encore :

« Le reste de la conversation a porté sur le travail et sur d’autres sujets inoffensifs, conversation entrecoupée de silences juste assez longs pour nous montrer l’un à l’autre que nous étions mal à l’aise. C’est pour remplir un de ces trous de silence que je lui ai demandé si elle avait été longtemps professeur. »

Y a aucune prétention dans ces passages-là, c’est ça qui est le fun. Les réactions des personnages sont toujours ben crédibles. L’auteur est vraiment capable de faire comprendre ce qu’ils ressentent :

« […] je suis resté longtemps immobile, le corps anesthésié, sauf à la tête, là où le pouls battait douloureusement. J’étais incapable d’agir car choisir une action aurait fait éclater l’illusion que cela ne pouvait être qu’un cauchemard. »

Verdict : je le recommande. C’est intéressant pi pas niaiseux pantoute. Faut que j’en lise d’autres de Champetier.

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