Véra, par Villiers de l’Isle-Adam

Parution : 1874, dans Contes cruels.
Nouvelle

L’une des nouvelles les plus connues de Villiers de l’Isle-Adam, pi une des nouvelles fantastiques les plus citées pi appréciée. Dans le genre, on fait pas mieux.

C’est l’histoire du comte d’Athol, qui vient tout juste de perdre sa femme à cause d’une maladie quelconque. Après sa mort, y décide de s’isoler dans sa maison avec son domestique, Raymond, pi de faire comme si sa femme était pas morte. À un moment donné, on commence à se demander si elle est vraiment morte, Véra.

« Parfois, éprouvant une sorte de vertige, il eut besoin de se dire que la comtesse était positivement défunte. Il se prenait à ce jeu funèbre et oubliait à chaque instant la réalité. Bientôt, il lui fallut plus d’une réflexion pour se convaincre et se ressaisir. Il vit qu’il finirait par s’abandonner tout entier au magnétisme effrayant dont le comte pénétrait peu à peu l’atmosphère autour d’eux. Il avait peur, une peur indécise, douce. »

Véra, c’est du fantastique, pi pas de l’horreur; y a une différence. En fantastique, on veut moins faire peur que brouiller les frontières entre réalité et imagination. C’est exactement ce qu’on a ici. Les personnages, à force de se dire que Véra est pas morte, ben y finissent par l’apercevoir pi se demander sérieusement si elle est vraiment morte. C’est amené très subtilement pi on se pose la question jusqu’à la toute fin, qui nous laisse pas le choix : Véra était là. Le récit est ben construit; à la lumière d’une deuxième lecture, on voit la fin est suggérée tout plein de fois dans la nouvelle. Facque ça fait pas peur, pi c’est pas ça le but non plus. C’est pas du Stephen King, mettons.

La nouvelle est très courte et écrite dans un style parfait, très proche du poème en prose. Villiers nous livre des phrases magnifiques pi d’une pureté qui se rapproche un peu de l’esthétique du Parnasse pi de Mallarmé :

« La nuit dernière, sa bien-aimée s’était évanouie en des joies profondes, s’était perdue en de si exquises étreintes, que son cœur, brisé de délices, avait défailli; ses lèvres, s’étaient brusquement mouillées d’une pourpre mortelle. À peine avait-elle eu le temps de donner à son époux un baiser d’adieu, en souriant, sans une parole : puis ses longs cils, comme des voiles de deuil, s’étaient abaissés sur la belle nuit de ses yeux. »

L’écriture de Villiers donne à tout le récit un espèce de ton irréel, comme si on flottait tranquillement dans un rêve beau pi triste.

Verdict : Recommandée. Une nouvelle magnifique pi excellente, pi une des meilleurs histoires de fantôme jamais écrite.

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