La femme de Putiphar, par Gaston Compère

Publication : 1975

Gaston Compère a remporté le prix Jean Ray en 1975 pour La femme de Putiphar, prix qui récompense la meilleure œuvre fantastique en Belgique. C’est pas super prestigieux, mais c’est pas grave. À part ça, il a aussi écrit de la poésie, des nouvelles, des romans, pi des pièces de théâtre. 4e de couverture :

Il y a diable et diable. Les grands, les gros, les gras, les féroces, les lubriques, les bêtes, les méchants. Puis, les autres – tous les autres dont les formes et les allures défient l’imagination. Ils sont des milliers et utilisent les tours les plus extraordinaires pour jouer aux vivants et aux morts. Peut-on y échapper? Avec une verve et un humour qui font merveille, Gaston Compère donne ici un recueil de contes fantastiques où éclatent toutes les couleurs de l’Enfer.

Je dois dire qu’en lisant ça, ça m’a pas ben ben donné envie de lire le livre. Mon fantastique, je l’aime sérieux. Mais j’avais envie de connaître le fantastique belge. Je me considère comme un explorateur, plus ou moins. En tout cas, je l’ai lu pareil.

En gros, ça parle de démons. Y en a dans toutes les nouvelles. Des possessions bizarres, des invocations qui virent mal pi toute. Mais le traitement est pas toujours bon. J’ai aimé : l’adaptation du conte de Barbe-Bleue qui se passe en 1975, avec les esprits des femmes tuées qui foutent la marde à la fin; l’histoire d’un démon qui séduit une jeune vierge pi qui la viole dans un cimetierre; l’histoire d’une femme qui se fait avorter mais qui est pognée avec un genre de démon-fœtus qui se cache on sait très bien où pi qui tue les hommes qui couchent avec elle :

Elle toussait si fort qu’elle se pliait en deux, et je n’apercevais pas sans trouble, par moment, un éclair de mollet blanc entre les pans agités de son peignoir. Soudain je me sentis devenir froid : sous un de ces pans, celui de droite pour être exact, je vis apparaitre une tête. Une tête minuscule, affreuse, d’un noir brillant. Je me souviens de mon haut-le-corps : des reins je heurtai un coin du buffet, au point de me faire un hématome, dont je souffris toute la semaine.

J’ai crissement pas aimé la nouvelle qui donne le titre au receuil : une gang de démons décident de faire de la planète un huge bordel. Pour ça, ils possèdent une pute obèse qui devient une vedette internationale grâce à la musique pop. Le ton de cette nouvelle-là était juste désagréable :

Sans doute, Putiphar n’est-il pas le Malin; il n’empêche qu’il a décroché, avec distinction, un doctorat d’Université à Infernapolis; si mes renseignements sont exacts, le sujet de sa thèse est le suivant : De mulierium crassarum luxuria. Le Malin s’était sans doute souvenu de cette thèse plus qu’honnête, à moins que son ordinateur particulier n’eût rappelé Putiphar à sa mémoire, Putiphar et par conséquent ceux que j’appellerais du nom de démonicules. Putiphar se mis tout de suite à la besogne.

Je sais pas pour vous, mais une université en enfer, moi, ça me fait pas rire. C’est juste sec.

12 nouvelles, donc. La moitié que j’ai aimé, l’autre qui m’a gossé. Ce qui saute aux yeux quand on lit ce recueil-là, c’est le style. Un style humoristique pi autoréflexif, avec le narrateur qui parle de ce qu’il est en train d’écrire. En plus de ça, des jeux de mots, des jokes pi des inventions de mots. Au début, j’aimais ça, ça me faisait rire. Mais à un moment donné, j’étais juste tanné des jokes vraiment pas si bonnes :

Qu’écrire? Je ne puis me pronconcer pour Marie-Ange. Peut-être d’instinct savait-elle ce qu’il fallait faire. Peut-être n’était-ce qu’une petite peste hypocrite, qui sait? Bon chien chasse de race. Émilie était un vieux chameau. Agréable d’écrire ceci. Marie-Ange, jeune chamelle : amusant. Et peut-être… mais non, je ne puis pas encore me résoudre à croire à… à… mais non, je délire. Vésanique je suis, voilà. Un point. À la ligne.

C’est un bon exemple de ce qui m’énerve dans son style. Des fois c’est drôle pi toute, mais la plupart du temps, c’est juste l’auteur qui trouve ça l’fun. On dirait qu’il a écrit tout ce qui lui passait par la tête sans se demander si c’était bon ou pas.
Ça me gossait déjà, pi là j’ai remarqué qu’il était mysogine. Ses personnages sont soit des putes ou des vierges qui se font violer. Ou des intellectuelles, chose que l’auteur semble vraiment trouver amusant. Dans sa tête, toutes les femmes qui lisent des livres sont féministes pi vraiment désagréables. C’est peut-être juste moi, mais ça ressemble vraiment à ça. Autre affaire : je pensais pas que le mot nègre s’utilisait encore en 1975. J’ai appris quelque chose.

Mais y a pas juste du pas bon dans La femme de Putiphar. La nouvelle L’armoire de sacristie m’a vraiment plu. C’est un collectionneur d’armoires de sacristie qui se rend dans l’Église d’un prêtre alcolo pi bizarre pour lui faire une offre. Mais là le prêtre pi son neveu deviennent des genres de monstres à mi-chemin entre un cochon pi un humain pi peut-être autre chose. Il se pousse juste à temps. Mais ça fini pas là : il appelle son domestique pour aller buster l’armoire pendant la nuit. C’est là que ça devient drôle : le domestique est comme trop dévoué pi tout le temps trop officiel.

Monsieur va se salir les chaussures s’il entre dans ce fumier.

Une fois dans l’armoire, ils se font attaquer par le petit gars pas clean :

Un bras d’enfant était engagé dans l’ouverture quand Auguste poussa la porte, sur laquelle je me jettai moi-même. Des cris éclatèrent. Et han! Et han! La main était affreuse, décharnée, armée d’ongles tranchants, – une affreuse petite main de vieillard. Et han! L’épaule d’Auguste frappait la porte comme un bélier. Et han! L’os craqua. Et han! Han! Han! La main tomba. Elle bondit follement dans la sacristie, monstrueuse grenouille. Elle brûlait. Nous la regardions comme hypnotisés, dans la crainte qu’elle ne nous attaquât. Il n’en fut rien. Elle tomba dehors, où nous la vîmes s’éteindre brusquement.
La lampe chercha en vain la main éteinte : elle ne découvrit qu’un pied de porc aux ongles roussis.

Finalement ils ramasse le pied de porc pi se poussent avec l’armoire, dans laquelle ils trouvent les squelette d’un vieux prêtre pi d’un enfant avec une main manquante.

Overall, je dirais que le recueil est vraiment inégal. Le style est bon des fois, des fois vraiment poche. Des fois l’humour fitte bien dans l’histoire, des fois c’est juste déplacé. Y a des bonnes nouvelles, pi d’autres pourrites. Peut-être que ça serait une bonne idée de lire une nouvelle à la fois pour avoir le temps de digérer pi de pas s’écoeurer trop vite.
J’aime ça lire des auteurs avec un style spécial, mais des fois c’est pas bon. Au moins, ça change un peu de l’habitude.
Je pense que j’aime pas le mélange humour pi fantastique, autant au cinéma qu’en littérature. Je suis jamais satisfait quand je lis ou vois ça. Je sais pas pourquoi.

Verdict : je le recommande pas. Même si certaines nouvelles valent la peine, les autres m’ont vraiment fait chier. Désolé Gaston.

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