Le parasite (The parasite), par Ramsey Campbell

Parution : 1980
Roman
405 pages

Dans Anatomie de l’horreur, Stephen King dit que Ramsay Campbell, c’est un malade. Vu qu’y avait eu raison pour Shirley Jackson pis The haunting of Hill house, j’y ai fait confiance encore une fois. J’ai trouvé Le parasite dans une librairie de seconde main, pis le cover m’a complètement charmé, vous savez pourquoi.

« Que c’est-il passé cette nuit-là entre Peter Grace, le fondateur de la secte, et ses disciples ? Que comptait-il faire de l’enfant qu’on lui avait amené ? Nul ne le sait. Car on retrouva le cadavre de Peter, la nuque brisée, et ses disciples s’enfuirent, soulagés qu’il ait emporté son secret dans la tombe.
La théorie était pourtant d’une redoutable simplicité : lorsqu’on est capable de quitter son propre corps par projection astrale, on peut aussi pénétrer le corps d’un autre individu, à condition de dominer sa personnalité. Un très jeune enfant par exemple, est un excellent sujet…
« Un tel individu peut-il vraiment mourir ? » se demandait Rose qui se sentait étrangement impliquée dans cette sinistre histoire. »

Résumé

Facque c’est l’histoire de Rose pis Bill, un couple de profs de cinéma qui écrivent des livres ensemble, dans le genre de Gare aux patrouilles sodomites, une compilation des pires répliques au cinéma. Y vont rencontrer leur éditeur américain, Jack, à New York, où y rencontrent aussi Diana, une tireuse de tarot qui trippe sur les shits ésotériques. Rose se fait attaquer par un homme bizarre mais grâce à l’intervention de Diana, elle s’en sort avec rien qu’une poque sur la tête. Dans les semaines qui suivent, elle fait des rêves étranges pis elle a des genres de prémonitions. Avec l’aide de Diana, elle découvre qu’elle peut faire de la projection astrale, c’est-à-dire quitter son corps pi chiller n’importe où. Rose, pas certaine qu’elle aime ça, consulter un psychiatre, Colin, quoi est aussi son voisin. Sauf que Bill aime pas Diana pis ses niaiseries parapsychiques, ce qui cause des problèmes dans leur couple. Pis lors d’une rencontre avec un vieux réalisateur allemand, Rose entre en possession d’une lettre inédite de Hitler, dans laquelle il affirme avoir trouvé l’immortalité par la projection astrale, ou dequoi demême. Après ça, les visions de Rose se font plus fortes pis angoissantes, elle commence à avoir des hallucinations pis elle se sent suivie. C’est encore pire quand elle lit le livre Viol astral, conseillé par Diana. Elle apprend l’histoire de Peter Grace, un genre d’illuminé du XIXe siècle qui était obsédé par l’immortalité, peu importe son prix. Ses disciples pensent qu’y voulait s’incarner dans le corps d’un bébé naissant, mais y a pas de preuve, sauf un cadavre, celui de Grace. En attendant, son esprit serait pogné dans la maison où a eu lieu le rituel. Rose se sent en danger pis elle sait pu à qui faire confiance, surtout que Bill est de plus en plus distant. Blablabla.

Critique

Je peux pas dire que j’ai aimé ça, Le parasite. J’ai eu l’impression que y avait quelque chose d’accrocheur dans le début, pis ça me tentait de lire ce qui allait se passer. Mais à un moment donné, ça s’essouffle, pis le suspense se dilue pour appraitre à des moments un peu random. Le prologue nous donne pas mal le dénouement, qu’on voyait venir de loin. L’idée de ploguer Hitler, chu pas sûr. Comme si donner un ancrage pseudo-historique au surnaturel rendait ça plus crédible. Je me suis dit « Sérieux, ça se peut pas qu’elle ait l’âme d’Hitler en elle, ça serait ben trop n’importe quoi. » J’avais raison, parce que toute la patente d’Hitler sert pu à rien après qu’on ait entendu parler de Peter Grace. Mais bon, je pense juste que les histoires de voyages astraux me plaisent pas tant, à la base.
J’ai remarqué autre chose, qui m’a un peu tapé sur les nerfs : au début, lors d’une soirée chez Colin, un sud-africain émigré au Royaume-Uni. Un des personnages, nommé Des, chiale contre l’apartheid : « Ouais, c’est toujours le même putain de système, là-bas comme partout. On se constitue une classe ouvrière exactement comme on élève du bétail, en s’arrengeant pour qu’elle n’ait pas trop d’ambition. » Pi ainsi de suite. Ensuite, Colin défend l’apartheid : « Il est des peuples qui sont en mesure de brûler des étapes, mais pas les Noirs. La plupart d’entre eux vont même jusqu’à refuser une éducation obéissant aux critères de l’homme blanc. » C’est tellement colonialiste que c’en est terrible. Le problème, c’est que la blonde de Des vient s’excuser pour lui à Colin, comme si c’était lui qui était dans le tort, comme si l’auteur trouvait ça normal pis endossait le point de vu de Colin. Anyway.
J’ai trouvé que le couple Rose/Bill assez sympathique. Y étudient le cinéma, mais d’une façon ludique pis accessible, y s’entendent ben pis y écrivent ensemble. Y sont genre parfaits, mais pas gossant dans leur perfection. Pis quand leurs rapports se dégradent, c’est bien représenté pis assez progressif pour que ça soit crédible. Je me retrouvais dans Bill, parce que si ma blonde me parlait de voyage astral, je pense pas que je serais très patient. En tout cas, je me sentais ben mal pour Rose quand elle découvre que Bill l’a trompée avec une étudiante.
L’écriture de Campbell a quelque chose d’intéressant, notamment dans les descriptions. Stephen King dit que ses décors sont comme ceux qu’on peut voir dans un trip de LSD, ce qui est pas totalement faux :

« Rose se hâta de sortir du Centre d’Études sur la Communication : son sous-sol offrait l’aspect d’une ruche de téléviseurs bourdonnants et clignotants. Le monde opérait sa transmutation de fin d’après-midi. Les bâtiments de béton prenaient les nuances intimistes d’un feu couvant sous la cendre. Sur les tertres, les pelouses étaient rasées de près; chaque brin d’herbe accrochait séparément son rayon de lumière. Le lierre sur l’arrière des immeubles d’Abercromby Square était une cascade figée de flammes orange. Un ciel de givre cristallin voyait son azur insondable se teinter subrepticement de vert pâle. Rose n’aspirait qu’à rentrer chez elle pour faire le tri dans ses pensées. »

Toutes les descriptions sont originales pis utilisent – la plupart du temps – des images isolites. Des fois, on sent que c’est un peu forcé, à moins que ce soit la traduction, mais en général, c’est cool. Mais je vais revenir là-dessus.
Le roman fait pas vraiment peur. Le bout où Rose lit Viol Astral est un peu angoissant, pis quand elle est seule dans sa maison, on réussit à bien sentir sa peur. Ça empêche pas que ça soit un peu gros, toute l’histoire avec la secte, pis la confrontation finale avec Grace, le retournement de situation, pis l’autre retournement de situation. Y manque un petit quelque chose qui rendrait ça intéressant, à mon sens.

Analyse

Dans Le parasite, y a deux grandes lignes directrices qui mènent à l’horreur : d’un côté, y a la découverte en soi de quelque chose d’effrayant; de l’autre, la paranoia, comme dans Rosemary’s baby. On pourrait probablement interpréter la première comme le ressurgissement d’un épisode traumatisant de l’enfance en remplaçant le prologue par, mettons, un viol, ou dequoi demême. Ça aurait à peu près les mêmes répercussions sur le personnage. D’ailleurs, Rose avait pu aucun souvenir de ça, comme si elle avait refoulé un souvenir particulièrement troublant. C’est ben beau tout ça, mais l’autre piste me semble plus intéressante.
La paranoïa parcourt le roman du début à la fin. Rose devient de plus en plus méfiante pis elle se sépare de plus en plus des autres. Elle se met à imaginer du monde qui la suivent pis toute. Même qu’elle finit par s’aliéner son propre mari, avec qui elle s’entendant si bien au début. À la fin, quand elle est rendue seule, c’est là qu’elle découvre qu’elle doit se méfier aussi d’elle-même, parce que son corps porte un autre esprit que le sien, celui de Grace. On peut pas vraiment imaginer dequoi de plus terrifiant que de pu pouvoir se fier à personne, même pas à soi-même. Ça s’appelle la folie, ça. Mais si je trouve la paranoïa intéressante, c’est parce qu’elle transparait dans l’écriture de Campbell :

« Un coussin de vent s’appliqua sur le visage de Rose lorsqu’elle tourna au coin de Viktualienmarkt qui résonnait comme une volière du claquement des bâches abritant les étals du marché. Le vent tentait de lui couper le souffle, de lui tirer la tête en arrière par les cheveux; il s’introduisait dans ses manches, s’aggripait à l’ourlet de ses jeans, lui plaquait les cheveux dans la figure. »

Ici, on voit clairement que le vent est personnifié, comme si y était vivant pis doté d’une volonté propre. Pis cette volonté-là, ben elle essaie de faire chier Rose, elle est contre elle. Pis c’est pas juste dans ce passage-là : dans tout le roman, les objets sont décrits par personnification pis sont toujours – ou presque – montrés comme menaçants. Facque on a l’impression que le monde entier conspire contre Rose, ce qui est pas faux, finalement :

« Rose traversa la gare en courant. Une masse de gens tentait de lui bloquer la route : elle n’était pas une voleuse ! Leurs bagages étaient tapis à leurs pieds comme des chiens prêts à lui sauter aux mollets. Dans les hauteurs, la voix suave de la géante rebondissait : elle émanait sans doute d’une créature à la sollicitude aussi désintéressée que terrifiante. »

À un moment du récit, Rose réalise qu’elle agissait comme une folle depuis le début. C’est un des bouts les plus chokants, parce quand on est fou, personne nous croit (voire Shutter Island) :

« Inutile de se cacher la vérité; depuis l’aggression dont elle avait été victime à New York, la ressemblance de son comportement avec celui d’une folle n’avait cessé de s’accentuer.
Tout de suite ses souvenirs s’emboitèrent. L’artifice qui lui avait fait décrire, par lettre, à Diana, ses expériences en les attribuant à quelqu’un d’autre… n’était-ce pas un symptôme de schizophrénie ?
Récemment, n’avait-elle pas eu l’impression d’agir à la troisième personne ? Et qu’en était-il de sa paranoïa ? »

Tout le récit, pis surtout la fin, a des allures de délire paranoïaque. Même l’écriture, qui vient rendre tout ça angoissant.

Verdict

Pas recommandé. C’est trop long pour pas grand-chose, finalement. Peut-être qu’un autre de Campbell ferait l’affaire, mais pas celui-là.

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