Les sept jours du talion, par Patrick Sénécal

juillet 26, 2010

Parution : 2002

J’ai lu Sur le seuil l’année passée, pi j’ai pas aimé ça. Je me demandais c’était quoi le big deal avec Patrick Sénécal. Mais : le film de Podz était fucking bon pi j’avais envie d’y donner une autre chance, à Pat. Facque j’ai acheté le roman. Pi en passant, ostie que le cover est laite. Un dessin de cégépien pas bon, genre. Anyway.

« Il s’appelle Bruno Hamel, il a trente-huit ans et il est chirurgien. Avec sa petite famille – Sylvie, sa conjointe, et Jasime, sa fille de sept ans -, il habite Drummondville et, comme tous les gens heureux, il n’a pas vraiment d’histoire. Jusqu’à ce que Jasmine, par un bel après-midi d’automne, soit violée et assassinée.
Dès lors, l’univers de la famille Hamel bascule. Mais lorsque la police arrête le meurtrier, un terrible projet nait dans l’esprit enténébré de Bruno : il va s’emparer du monstre et lui faire payer ce qu’il a fait à sa petite fille.
Le jour de la comparution du meurtrier, Hamel, qui a minutieusement préparé son coup, kidnappe le monstre, puis transmet aux autorités policières un message laconique : celui qui violé et tué sa petite fille va souffrir pendant sept jours, après quoi il sera exécuté. Ensuite seulement, lui-même se rendra. »

C’est assez clair. Ensuite, il lui pète les deux genoux, le fouette sur tout le corps, lui fait une coloscomie sans sac, lui crève un œil pi lui ouvre le zouiz comme une banane avec un scalpel. Les descriptions de torture sont vraiment horribles :

« Rage et alcool le rendent si brutal, si désordonné que tout lui apparait en une série de flashs anarchiques. Le pénis du monstre dans sa main gauche… la lame qui entre dans l’urètre, qui coupe, qui s’enfonce, qui charcute… le sang qui gicle, les hurlements apocalyptiques… et cette vision soudaine, atroce, du petit sexe de Jasmine défoncé par cette queue ignoble… Comme elle a dû souffrir, tellement, tellement souffrir!… Et les flashs s’accélèrent, le scalpel ressort et s’enfonce, ressort et s’enfonce, finit par fendre le gland en deux. […]
Tout-à-coup, le hurlement du monstre devient continu, aigu… ce n’est plus un cri humain, c’est maintenant animal, ça devient… ça devient un long…
… hurlement de chien… »

C’est pas mal le pire boutte de torture, tellement qu’ils l’ont même pas montré dans le film. N’importe quel gars frissonne en lisant ça.

Mais malgré tout, c’est pas ça l’important dans Les sept jours du talion. La torture est un prétexte, ou plutôt un accessoire à autre chose. Le concept de justice personnelle pi de la loi du talion est exploré sous tous les angles. C’est ça qui fait que c’est un bon livre pi une lecture intéressante. On a le point de vu de Hamel, de sa femme, des policiers, pi de plein de monde qui sont pour ou contre ce que le docteur fait. Pi j’ai vraiment l’impression que Sénécal a bien compris la société québécoise : y a vraiment beaucoup de personnages qui sont complètement d’accord avec le fait de torturer pi tuer un violeur d’enfants. C’est ça qui m’a le plus impressionné.
J’ai crissement aimé aussi la complexité psychologique des personnages. C’est pas de la psycho-pop poche pi niaiseuse. L’auteur réussi à nous faire comprendre ses personnages même si ils ont des opinions crissement différentes à propos de ce qui se passe. Pi j’ai vraiment trouvé que les réactions du monstre à la torture étaient réalistes pi crédibles :

« Il fermait son poing, prêt à frapper, lorsque le monstre leva un museau rougi et, les yeux pleins d’espoir, un sourire nerveux aux lèvres, bredouilla :
– C’est gentil ça… Ben gentil… Tu… t’es plus fin avec moi, là,on dirait… Peut-être que… peut-être que ça achève, hein? Que tu vas me délivrer? T’as enfin compris que c’était pas moi, c’est ça? »

En plus, Sénécal essaye pas de le montrer comme un enculé, ni comme une victime. Il le décrit comme un être humain qui se fait torturé, pi c’est dégueux. Le narrateur en focalisation interne pi le dialogue indirect sont souvent utilisés pour rapporter les propos pi les pensées de Hamel; le narrateur prend jamais position. Sauf qu’à la fin, avec ce qui arrive, l’opinion de l’auteur est assez claire, y me semble. Anyway.

J’ai aimé aussi toute l’affaire du chien, qui se met en place dès la première phrase du roman. Les gémissements de chien reviennent de temps en temps comme dans l’inconscient de Hamel, jusqu’à ce qu’il s’en rende compte pi qu’il comprenne ce que ça veut dire. Tout ça nous mène à l’épisode du décrissage du grand danois à coup de bat de baseball. Scène troublante, pi probablement la plus forte de tout le roman, par son impact pi sa signification :

« Et ni Bruno ni aucun autre voisin ne bougeaient, tétanisés. Si Bruno était sidéré par la vue du chien se faisant ainsi massacrer, il l’était tout autant par le visage de Denis : un bloc de ciment terrible, qu’aucun outil n’aurait pu entamer, avecdes yeux transformés en gouffres qui regardaient leur proie avec un glacial détachement.
Les gémissements de Lucky étaient alors devenus intolérables et Bruno avait dû se boucher les oreilles. La bête torturée, gisant maintenant dans ses tripes éparpillées, avait réussi à tourner une gueule agonisante vers son tortionnaire, et aussitôt Denis s’en était pris à cette tête. Les bruits étaient devenus fracassants, comme si on faisait éclater des poteries en terre cuite, et les gémissements s’étaient transformés en gargouillements encore vaguement canins. »

Ce bout-là est central dans le récit, pi je suis crissement triste qu’il soit pas dans le film même si je comprend pourquoi.

L’intrigue est bien menée : on alterne entre l’enquête de Mercure pi les tortures de Bruno. La structure est vraiment bien soudée : plein d’anaphores pi de parallélismes qui donnent une grande cohérence au récit. J’ai été impressionné.

Pour le style, c’est mon seul bémol : l’auteur raconte une histoire, c’est tout. Y a pas vraiment de souci d’originalité dans l’écriture de Sénécal. Certains aiment mieux ça demême, mais pas moi. J’aime ça voir la personnalité de l’auteur dans son texte, pi là on la voit pas vraiment. Son style est neutre, ou inexistant. Mais ça coule ben pi ça se lit aussi ben.

Verdict : à lire, pas tant pour l’horreur que pour ce qui l’entoure. C’est passionnant pi le côté psycho-socio est vraiment intéressant. Ça me réconcilie avec Sénécal pi je vais sûrement en lire d’autres.

Une Réponse to “Les sept jours du talion, par Patrick Sénécal”

  1. Nicolas Says:

    Pas trop accroché à ce roman, ne serait-ce que par le style trop simpliste. Dommage.


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