Là-Bas, par J.-K. Huysmans

Parution : 1891
Roman
403 pages

Huysmans apparait comme le chef de file du mouvement décadent en France. La génération fin-de-siècle se reconnait dans son roman À rebours, paru en 1884. Avec Là-Bas, Huysmans explore le monde du satanisme en France à la fin du XIXe siècle.

« À la brune, alors que leurs sens sont phosphorés, comme meurtris par le suc puissant des venaisons, embrasés par de combustibles breuvages semés d’épices, Gilles et ses amis se retirent dans une chambre éloignée du château. C’est là que de petits garçons enfermés dans des caves sont amenés. On les déshabille, on les baîllonne, le Maréchal les palpe et les force, puis il les taillade à coups de dague, se complaît à les démembrer, pièce à pièce. D’autres fois, il leur fend la poitrine, et il boit le souffle des poumons; il leur ouvre aussi le ventre, le flaire, élargit de ses mains la plaie et s’assied dedans. »

Bon, c’est pas demême tout le long, mais c’est drôle pareil. C’est plutôt l’histoire de Durtal, un écrivain qui travaille sur une biographie de Gilles de Rais, communément appellé Barbe-Bleue, un maréchal qui a vraiment existé au XIIe siècle en France, pi qui aurait commis les pires actions au nom du satanisme. Des Hermis, l’ami de Durtal, lui fait savoir que le satanisme est toujours pratiqué à Paris au XIXe. Durtal est intrigué pi s’arrange pour assister à une messe noire.

Tout le roman oscille entre le récit de Durtal à propos de Gilles de Rais, les discussions entre Durtal, Des Hermies pi leurs amis, pi l’intrigue amoureuse entre Durtal pi Madame de Chantelouve. C’est pas vraiment un roman d’horreur, ni un roman fantastique – quoi que Chantelouve serait visitée toutes les nuits pas un incube : Huysmans était un disciple de Zola, facque c’est très près du naturalisme, mais d’un « naturalisme spiritualiste ». Les décadents, rejetant leur époque bourgeoise, préféraient croire en un certain mysticisme qui leur permettait de se projetter hors d’une époque qu’ils reniaient. C’est ce que fait Durtal : il cherche une issue hors de son époque dans le satanisme. Mais il finit par être déçu que le satanisme contemporain lui offre rien d’aussi malade que ce que faisait Gilles de Rais. Le mouvement décadent êst très pessimiste pi synique, ce qui me plait énormément pi qui me fait rire pas mal. L’humour cynique est très présent dans la scène où Durtal fait croire à Chantelouve qu’il a une fille.

« – Elle va avoir six ans; – et il la dépeignit, une blondine très intelligente, vive, mais de santé fragile; elle exigeait de multiples précautions, de constants soins.
– Vous devez avoir des soirs bien douloureux, reprit-elle, d’une vois émue, derrière le rideau.
– Oh oui ! pensez donc, si demain je mourais, que deviendraient ces malheureuses ?
Il s’emballa, finit par croire à l’existence de l’enfant, s’attendrit sur la mère et sur elle; sa voix trembla, des larmes lui virent aux yeux. »

Presque la moitié du roman est constituée de dialogues. Les personnages parlent du satanisme pi Durtal rencontre différentes personnes qui l’informent à ce sujet, ce qui donne des conversations assez comiques, surtout avec l’espère de pudeur de l’époque :

« – Une question, demanda Des Hermies, la femme reçoit-elle la visite de l’incube, pendant qu’elle dort ou pendant qu’elle veille ?
– Il faut établir une distinction. Si cette femme n’est pas maléficiée, si c’est elle qui a voulu s’accoler volontairement à un esprit de vice impur, elle est toujours éveillée lorsque l’acte charnel a lieu. […]
– Et l’acte se passe de la même façon que dans la réalité ? demanda Durtal.
– Oui et non. – Ici, l’immondice des détails m’arrête, dit Gévingey, qui devint un peu rouge ; ce que je puis vous raconter est plus qu’étrange. Sachez-le donc, l’organe de l’être incube se bifurque et, au même moment, pénètre dans les deux vases. D’autres fois, il s’étend et pendant que l’une des branches agit par les voies licites, l’autre atteint en même temps le bas de la face… Vous pouvez vous figurer, messieurs, combien la vie doit être abrégée par ces opérations qui se multiplient dans tous les sens. »

Overall, c’est agréable à lire pour le cynisme pi le chialage des personnages. Certains bouts – les méfaits de Gilles de Rais – sont franchement dégueux, mais c’est en rien un livre d’horreur ou fantastique. C’est une genre d’enquête sur le spiritisme au XIXe siècle en France.

Verdict : Recommandé, surtout si vous aimez ça chialer contre le monde contemporain. C’est comique pi excellent.

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