Le livre des fantômes, suivi de Saint-Judas-de-la-nuit, par Jean Ray

Parution : 1947

Mon deuxième test avec Jean Ray a été plus positif que celui avec Owen. C’est un classique, Jean Ray, pi il m’a donné le goût d’en lire d’autres, de ses livres. Le livre des fantômes, c’est un recueil de 12 nouvelles qui parlent de fantômes. Le titre est assez clair.
Comme toujours, y en a des poches pi des bonnes. J’ai ben aimé celle du pygmé fantôme coupé en deux, celle de la maison hantée par un juge pas fin, celle des deux gars qui visitent un monde parallèle en goûtant à une liqueur juive, pi celle des condamnés à mort qui se vengent sur les bourreaux. Mais ce que j’ai aimé le plus, c’est le ton de Ray pi sa façon de raconter ses histoires.
Le recueil commence avec une mini préface de l’auteur qui affirme que les fantômes existent pour vrai :

« […] À croire que les histoires de fantômes, qu’on imagine avoir inventées d’un bout à l’autre, peuvent enclore une réalité, et ceux qui les écrivent, être en quelque sorte des chargés de mission d’un monde caché qui essaye de se révéler à nous, nous obligeant à réfléchir, alors que nous préférerions sourire, hausser les épaules et vouloir, par lâcheté humaine, ne voir dans l’Inconnu qu’une amusette à ne pas lire la nuit. »

Ray s’est bâti une espèce de posture : il se présente comme un genre de prophète à la Victor Hugo qui fait le lien entre le monde des humains pi celui de l’au-delà. En plus de dire que les gens qui croient pas aux fantômes sont des épais.
Facque, presque tout le long du recueil (les nouvelles plus classiques sont toutes à la première personne), il suit cette ligne-là. Le premier texte est censé être autobiographique pi raconter ses quelques rencontres avec un certain fantôme. Le titre c’est Mon fantôme à moi (l’homme au foulard rouge). Ça commence demême :

« Non seulement ceci n’est pas un conte, mais c’est un document. Si des souvenirs n’y vibraient pas, si, à travers mers, champs et villes, je n’y faisais pas de merveilleux retours vers mon enfance et ma jeunesse, je le voudrais net et sec comme une rapport ou une règle de trois. »

Sans rien expliquer, sans rien mettre en intrigue, il fait juste raconter les 4 fois où il a vu l’homme au foulard rouge dans sa vie. Sans conclusion, aussi. On voit vraiment son désir de nous faire croire que c’est vrai.
C’est plus ou moins le même principe dans la nouvelle Rues, sous titrée Document. Un narrateur au Je, qu’on suppose être l’auteur, nous dit qu’il croient que certaines rues sont hantées. Pour s’expliquer, il raconte une couple d’histoires qu’il a entendues à propos de rues hantées :

« Mon défunt ami Freyman, au sortir de l’Université, habita pendant quelques années la petite ville de N… dans la partie flamande de la Belgique.
Au café, unique distraction de ce coin de province, il fit la connaissance d’un certain M. B…, homme d’excellente culture et de bonne compagnie. »

Ray présente cette nouvelle-là comme une chronique, un constat d’une réalité qui échappe à la plupart des gens.
Mais en même temps, il refuse de donner des références claires dans le temps pi l’espace : il nomme pas la ville, ni le nom du gars que son ami rencontre. Il veut faire croire à ses histoires, mais aussi brouiller les pistes. On peut voir ça dans la multiplication de récit métadiégétiques, même dans des courtes nouvelles : les personnages citent des manuscrit, des témoignages, des lettres. Les points de vue se multiplient, pi ça fait diminuer la crédibilité de l’histoire en plus de créer un doute chez le lecteur. On sait pas qui on doit croire. C’est un peu paradoxal.
Overall, le contenue des nouvelles est assez classique : mais leur forme, la façon dont elles sont racontées, est vraiment intéressante. Cette fragmentation-là de l’histoire apparaît encore plus dans Saint-Judas-de-la-nuit, une petite novella publiée à la suite du Livre des fantômes.
En gros, c’est l’histoire du grimoire Stein, le nécronomicon de Ray. Comme dans Malpertuis, les focalisations changent tout le temps. On suit différents personnages, à des époques pi des endroits différents, qui ont tous eu un lien de près ou de loin avec le grimoire. En plus de ça, on a des extraits de tout plein de documents pi des histoires gigognes racontées par les personnages. Ce qui fait de Saint-Judas un gros medley vraiment difficile à suivre : pour être franc, j’ai pas compris grand-chose. Faudrait que je le relise avec un peu plus d’attention. Mais pour l’instant, ça me tente pas.

Verdict : ça vaut la peine de lire le Livre des fantômes. C’est pas un chef-d’œuvre; c’est juste un recueil qui se lit bien, pi qui est intéressant par sa forme.

Une Réponse to “Le livre des fantômes, suivi de Saint-Judas-de-la-nuit, par Jean Ray”

  1. Dollinger Bernard Says:

    J’ai découvert Jean Ray lorsque j’étais jeune, j’ai 62 ans. Je lui suis toujours resté fidèle. J’ai toujours été fasciné par son art de conteur. Pas un grand écrivain, non, mais une sensibilité, un vocabulaire parfois un peu surrané, mais tellement riche !!! Un talent évident pour créer des ambiances, des atmosphères troublantes, parfois terrifiantes. On peut lui reprocher une certaine facilité dès lors qu’il termine souvent ses romans, ses nouvelles sur un simple point d’interrogation, pas d’explications, pas de vraies raisons. Mais après tout n’est-ce pas là ce qu’il est convenu de nommer  »le fantastique », part de nous-mêmes que nous ne parvenons pas à expliquer…J’ai relu il y a deux jours ‘La ruelle tenébreuse’, et je pensais à ‘Saint-Judas de la Nuit’. J’ai réalisé que parmi les nombreux ouvrages de lui me manquait le ‘Livre des fantômes’. A qui l’ai-je prêté ? Je ne sais plus. J’irai au marché aux livres du Parc Brassens et finirai bien par le retrouver.
    Bien à vous, Bernard


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