L’abomination du lac, par Joseph A. Citro

Titre original : Lake creatures, aussi publié sous le nom de Dark twilight
Parution : 1991

Joseph A. Citro, c’est un spécialiste du folklore vermontois. C’est de là qu’y tire son inspiration pour ses livres. Ça pi Lovecraft. L’abomination du lac c’est son premier roman, publié après que les autres aient eu du succès. Un peu comme le Angels and demons du James Cameron de la littérature, Dan Brown.
J’ai trouvé ce roman-là dans une librairie de seconde main. C’est pas le genre de chose que j’achèterais neuf, mettons. Mais trois euros, c’est un prix abordable. Tous les fans d’horreur aiment les films poches de série B. Je me suis dis que tant qu’à faire, je peux ben essayer de me faire du fun avec des romans poches de série B. Juste à lire la 4e de couverture, c’est évident que L’abomination du lac c’est pas du Mary Shelley. Mais ça m’a attiré pareil :

«Un monastère abanonné, des marécages peuplés de créatures bizarres, des habitants hostiles : quel coin charmant!
Qu’importe… c’est dans cette petite bourgade du Vermont que s’installe Harrison Allen. Las de Boston et de l’existence médiocre qu’il y mène, il est attiré par une vie plus authentique, plus proche de la nature. Et surtout par le monstre qui, dit-on, hante les eaux glacées du lac Champlain.
Canular? Hallucination collective? Cette créature existe-elle vraiment? Avec passion, Allen va guetter ses apparitions, rechercher les témoignages. Mais il n’est jamais bon de remuer l’eau qui dort. Sur les rives désolées du lac noir, à l’ombre du monastère, il fera bien des rencontres. Imprévues, énigmatiques, terrifiantes. Jusqu’à l’ultime confrontation. »

Des marais pi des monstres, c’est bon, je l’achète.

Citro construit son roman comme Stephen King. Longue exposition des personnages, de la ville où ça se passe, des habitudes locales pi toute. Dès le début, c’était clair qu’on a un trio principal : Harrison (qui fuit sa vie poche), Nancy (nouvelle prof célibataire de l’île) pi Cliff (old school redneck de la place). Tous les trois vivent seul, sans attachement pi ils ont le même âge. Comme dans Stephen King encore, y a tout plein d’éléments qui se mettent en place pi qui vont juste être clarifiés à la toute fin. Genre la chronique d’une ville maudite, ou dequoi demême. Ici, on a 1. Des habitants racistes 2. Un supposé monstre 3. Des ombres bizarres dans les bois 4. Des bruits bizarres dans le grenier 5. Une genre de vieille sorcière 6. Un retard 7. Une carte au trésor dans la maison d’Harrison 8. Une famille disparue 9. Une secte spirite du XIXe siècle. Pi toute ça fini par avoir un lien. Le monstre, lui, reste en arrière-plan, comme un genre de symbole poche de la quête identitaire du personnage principal. Ça m’a déçu, j’aime ça les monstres moi.
J’ai été étonné en lisant le début du roman : même si l’écriture de Citro est pas le yable, certaines phrases biens placées donnent une genre de profondeur à la psycho des personnages :

« Tout d’abord, l’agilité intellectuelle d’Andrea et son langage précis lui avaient donné le sentiment d’avoir en face de lui un adversaire redoutable. Peut-être pour s’assurer qu’elle n’utiliserait pas son verbe acéré comme une arme contre lui, il s’était attaché à cultiver son amitié. »

C’est pas très bien dit, mais le fond est bon. Le pourquoi de nos actions est pas souvent ce qu’on pense. Mais en général, c’est plutôt mal écrit. Surtout les dialogues :

« – Installez-vous, les hommes, dit-elle avec animation. Fais comme chez toi, Harry. Je vais chercher à boire. Qu’est-ce qui te ferais plaisir?
– Une bière, ce serait parfait.
– J’aurais dû le deviner. Tu ne changeras jamais. »

ou

« – Vous plaisez-vous sur l’île, Harrison?
– Elle a ses inconvénients.
– Par exemple ?
– Eh bien, c’est pas facile d’inviter une dame à prendre un verre alors qu’il n’y a pas l’ombre d’un bar ou d’un bistrot.
– Oh! Je vois ce que vous voulez dire. (Elle lui lança un regard en coin et fronça joliment son nez) Mais supposez que la dame en question n’ait jamais vu l’intérieur de la maison du capitaine?
– Eh bien, je serais ravi de vous la faire visiter un de ses jours. Mais ce ne sera pas le tour du propriétaire, seulement celui du locataire. »

C’est vraiment pourri pi aucunement crédible. Sinon, pour le reste, c’est correct. Certains passages sont poches, mais en général ça va.
Ça prend du temps pour installer tous les personnages; ça prend aussi un boutte avant qu’on ait un peu d’horreur sous la dent. Ces bouts-là aussi sont juste corrects :

« À nouveau, elle perçu ce bruissement qui ressemblait au trottinement de petites pattes griffues – mais plus fort, maintenant. Elle s’efforça de se concentrer pour l’identifier. C’était comme ces bruits qu’on entend en rêve quand l’esprit assoupi chercher à ignorer les sonorités qui menacent de le réveiller.
Les crissements devenaient plus rythmiques, à présent – swish-swish-swish-swish -, un peu comme si ça venait d’un moteur. Pourtant, ça n’avait rien de mécanique. C’était plutôt comme… des bruits de respiration. Une respiration laborieuse, graillonnante, asthmatique. »

C’est rien de ben original mais c’est suffisant. Overall, j’ai pas eu ben peur en lisant ce roman-là. Le début m’intrigait, le milieu m’a fait chier pi la fin m’a vraiment surpris.
Au lieu de finir avec Nancy, Harrison termine ses jours dans le vieux monastère en compagnie d’une femme-lézard amoureuse de lui depuis le début. La finale est complètement dégoûtante pi pessimiste. Si on considère le monstre comme une métaphore d’une démarche personnelle intérieure, ben c’est un échec total qui laisse aucun espoir. Nancy, elle, retourne voir son chum qu’elle voulait crissement pas revoir. Mais ça, c’est à cause de la sorcière qui contrôle les esprits. Cliff, lui, se fait écraser pas un char. Facque, point positif : la fin est surprenante.
J’ai ben aimé le passage où on découvre l’existence de la femme-lézard pi son amour pour Harrison :

« La langue de la créature s’insérait entre ses lèvres, s’enfonçait dans sa bouche, si longue et si épaisse qu’il crut qu’il allait étouffer. Il essaya e se débattre mais une main de fer se referma sur sa nuque, l’immobilisant.
L’autre main faisait des va-et-vient frénétiques le long de sa colonne vertébrale. Il se contracta en poussant des gémissements de terreur et de dégoût. Impossible de s’arracher à cette étreinte, impossible de recracher cette langue qui se tortillait dans sa bouche. Il la mordit de toutes ses forces mais ses dents ne pénétraient même pas son cuir coriace. »

Verdict : je pense pas que je le recommanderais, même si c’est pas complètement pourri. Une chance que la fin était surprenante, parce que ça sauve un peu le reste du roman.

Voici une photo de Champy, le monstre qu’on voit pas da ce livre-là:

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